Management : quels changements ?

Tribune libre

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Les fantasmes et surtout l’idéologie du "New Public Management" semblent vieillir et ne plus faire rêver dans les écoles de… "management". Les déceptions, mais surtout le déphasage entre des concepts issus des années 1990 par rapport à une entrée des nouvelles technologies qui brisent les repères en matière de productivité et d’organisation (scientifique ?!) du travail. Pour autant, en tout cas sur ces rives de l’Atlantique, la réflexion est balbutiante sur ce que cela implique en termes de refonte des principes de base qui ont fondé la création de toutes les bureaucraties : l’existence d'endroits physiques au sein desquels on concentre principalement pour des questions d’économie d’échelle une masse substantielle d’opérateurs, tels des ouvriers sur une chaîne de production fordiste. Or, si certaines fonctions, principalement représentatives, exigent effectivement une localisation spatiale identifiable et une institutionnalisation symbole de pouvoir et d’autorité, ces activités sont marginales par rapport à l’essentiel du travail nécessaire pour faire fonctionner une bureaucratie.

Sans prôner pour autant la disparition complète de lieux collectifs d’interaction entre agents, nécessaires pour faire émerger le travail d'équipe généralement considéré comme propice à la créativité, la révolution que pourraient permettre les nouvelles technologies supprimant ainsi un facteur d’aliénation, n’a pas encore eu lieu. Boulot, métro dodo demeurent le b a ba de la vie d’employé, même si certaines expérimentations de télétravail et d’introduction de flexibilité ont permis d’améliorer à la marge les conditions de travail, principalement pour les mères de famille exerçant des fonctions cléricales. Nous sommes loin du compte, même si d'autres catégories de personnel sont peu à peu amenées à pratiquer occasionnellement le travail à distance, formalisé ou pas d'ailleurs, les smartphones étendant la période "productive" et la disponibilité pour nombre de personnels à un schéma proche du 24/7... A l’heure des "call centers" en Inde ou des "cadres nomades" de la high-tech qui snobent chacun d'entre nous régulièrement en première page des quotidiens principalement anglo-saxons et alors que les préoccupations environnementales s’imposent, que la vie dans les grandes villes saturées devient un frein évident à la croissance continue de nos sociétés, cette frilosité est incompréhensible ! L'image du cadre présent au bureau tard le soir pour prouver son importance semble pourtant survivre les générations…

Certes, quelques pionniers tentent de lancer le débat. La Commission a publié récemment une communication sur la "place de travail future à la Commission européenne" (C(1019) 7450, 16/10/2019). Elle est pourtant passée jusqu'à présent largement inaperçue. Le document a le mérite de poser le débat, la suite de "sa vie", en particulier avec l’arrivée d’une nouvelle Commission et un brassage personnel d'encadrement qui va s’en suivre, demeure très incertaine. Il faut dire qu'il ne s'agit à ce stade que les premiers éléments de réflexion se contentant de rappeler un certain nombre de principes, voire d'évidences et esquissant une vague méthode à travers des principes pour encadrer la discussion.

Le débat doit par conséquent être porté par les forces vives, repris à travers le dialogue social pour l’enrichir et faire en sorte qu’il ne s’agisse pas in fine que le moyen pour l’encadrement supérieur de gagner en autonomie pour imposer des restructurations et de nouvelles méthodes de travail au nom d’une "nouvelle approche scientifique", alors qu’en fait elles ne sont dictées que par des économies immédiates : réduction des surface de bureau, économies d’échelle avec le recours à l’open space, déshumanisation des espaces par la généralisation du hot-desking etc. Des Etats membres sont déjà allés (trop) loin dans ce sens et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas la solution miracle (voir débats aux Pays Bas par exemple). La réflexion devrait être animée par une réelle volonté de mettre en place une écologie du mode d’organisation du travail qui remette au centre l’individu.

Lançons la réflexion à travers nos publications et l’organisation d’un cycle de conférences/ ateliers, pas nécessairement présentiels en anticipation d’une délocalisation total des interactions entre nous!

Jan 2020

Document : The Workplace of the Future in the European Commission (Oct 2019)

The fantasies and especially the ideology of "New Public Management" seem to be getting old and no longer make you dream in the schools of... "management". Disappointments, but above all the mismatch between concepts from the 1990s in relation to the entry of new technologies that break the benchmarks in terms of productivity and organization (scientific?!) of work. Nevertheless, at least on these shores of the Atlantic, thinking is in its infancy about what this implies in terms of recasting the basic principles that founded the creation of all bureaucracies: the existence of physical locations in which a substantial mass of operators, such as workers on a Fordist production line, are concentrated mainly for reasons of economy of scale. However, while some functions, mainly representative, do indeed require an identifiable spatial location and an institutionalization that symbolizes power and authority, these activities are marginal to the bulk of the work required to make a bureaucracy work.

Without advocating for all that the complete disappearance of collective places of interaction between agents, which are necessary for the emergence of teamwork generally considered to be conducive to creativity, the revolution that could be made possible by new technologies, thus removing a factor of alienation, has not yet taken place. Work and the sleeping subway remain the b a ba of employee life, even if some experiments with teleworking and the introduction of flexibility have made it possible to improve working conditions, mainly for mothers in clerical positions. This is far from the case, even if other categories of staff are gradually being led to practice occasional telework, whether formalised or not, with smartphones extending the "productive" period and availability for many staff to a pattern close to 24/7 . At a time when "call centers" in India or "nomadic executives" in the high-tech industry are regularly snubbing each of us on the front page of mainly English-speaking daily newspapers, and when environmental concerns are becoming more and more important, when life in large, saturated cities is becoming an obvious brake on the continued growth of our societies, this reluctance is incomprehensible! The image of the executive present in the office late at night to prove his importance seems however to survive the generations...

Certainly some pioneers are trying to start the debate. The Commission recently published a communication on the "Future workplace in the European Commission" (C(1019) 7450, 16/10/2019). However, it has so far gone largely unnoticed. The document has the merit of setting out the debate, as the rest of "its life", particularly with the arrival of a new Commission and the ensuing intermingling of managerial staff, remains highly uncertain. It has to be said that at this stage it is only the first elements of reflection, merely recalling a number of principles, or even the obvious, and sketching out a vague method through principles to frame the discussion.

The debate must therefore be driven by the living forces, taken up again through social dialogue to enrich it and ensure that it is not ultimately just a means for senior management to gain autonomy to impose restructurings and new working methods in the name of a "new scientific approach", when in fact they are only dictated by immediate savings: reduction of office space, economies of scale with the use of open space, dehumanisation of spaces through the generalisation of hot-desking etc. Some Member States have already gone (too) far in this direction and the least that can be said is that it is not the miracle solution (see debates in the Netherlands for example). Reflection should be driven by a real desire to establish an ecology of the way in which work is organised which puts the individual back at the centre.

Let's launch the reflection through our publications and the organization of a cycle of conferences/workshops, not necessarily face-to-face, in anticipation of a total delocalization of interactions between us!