Au moment où le débat se focalise sur le télétravail, quelle est la
perspective d’un groupe pour qui aucune option de télétravail n’existe? Un
aperçu de la situation dans les services d’interprétation
Cela vous étonnera peut-être que certains puissent vous envier, vous qui
pouvez télétravailler, alors que le télétravail comporte autant de problèmes et
de failles.
Interpréter, c’est un métier qui se fait en présence. C’est un fait sur
lequel les interprètes insistent depuis longtemps. Ce n’est qu’en étant sur
place que l’on voit tout ce qui se passe dans la salle de réunion, aussi ce qui
se passe à l’entrée de la salle et qui permet à l’interprète de comprendre
l’allusion qui fait rire tout le monde. C’est le contact direct avec les clients
qui permet d’éviter facilement les malentendus et aussi de recevoir un document
uniquement disponible en salle au dernier moment.
Dans le contexte de la pandémie, les interprètes sont considérés comme «
personnel exerçant des fonctions essentielles et critiques » et sont donc
appelés à travailler en présentiel.
Lors du premier confinement, les services d’interprétation furent pris au
dépourvu. Comme beaucoup. On a donné au personnel la possibilité de faire un opt-out et de télétravailler. Dès que
ce fut possible, les réunions ont repris,
tout en respectant les mesures de distanciation sociale et d’hygiène. Ce qui
voulait dire avec un interprète par cabine.
La solution était bonne, mais permettait uniquement de travailler avec un
nombre limité de langues, vu le nombre de cabines disponibles. Les deux services
d’interprétation, le SCIC et la DG LINC ont donc cherché des
solutions au problème. Parmi la paroi en plexiglass, le câblage de salles de
réunion, les cabines mobiles supplémentaires, les réunions plus courtes, les
horaires de réunions décalés, l’interprétation à distance, les équipes réduites
ou les régimes linguistiques réduits, quelle option choisir? N’oublions pas que
les cabines d’interprétation ne font que 13m3 pour trois personnes et
constituent déjà en temps normal une exception aux règles du droit du travail.
Toutes les options présentaient des avantages et des inconvénients,
difficiles à apprécier, d’autant plus que la compréhension de la maladie par les
scientifiques était en constante évolution: ainsi, au printemps, même entre
scientifiques, on n’était pas certain du rôle des aérosols dans la transmission
du virus. S’ajoutent à cela les sensibilités divergentes du personnel . La
situation n’est pas la même pour les jeunes et pour les plus âgés, ceux
appartenant aux grandes cabines qui sont appelés à travailler souvent dans des
conditions pas vraiment idéales et ceux faisant partie des petites cabines qui
commencent à craindre pour la profession.
Jusqu’ici, c’est le statut de « personnel essentiel » qui
a déterminé les mesures prises et aussi le fait qu’au SCIC, le deuxième
confinement n’a pas eu lieu. Pour les interprètes, un opt-out, donc du
télétravail, n'a pas été prévu. Après le premier confinement, le SCIC, dont le
client le plus important est le Conseil, a opté pour des équipes réduites par
rapport aux règles de travail. Le Conseil a fait équiper des cabines d’un
diviseur en plexiglass, elles sont occupées simultanément par deux collègues si
le nombre de cabines ne permet pas de prévoir une cabine par interprète. Le
câblage pour combiner deux salles a été effectué pour deux salles seulement. Un
bon nombre de conférences se sont tenues en format virtuel ou semi-présentiel.
La Commission, quant à elle, n’a pas câblé ni installé des
parois en plexiglass, mais a limite le nombre de langues proposées et a beaucoup
travaillé en format vidéoconférence. Actuellement, on explore des solutions
techniques et le travail à distance aussi pour les interprètes. Le Parlement de
son côté a pris la décision de câbler des salles de réunion pour permettre aux
interprètes d’être seuls en cabine. Des parois de plexiglass ont été installées
pour permettre à la deuxième équipe qui vient relayer la première de trouver un
espace de travail désinfecté. Les réunions ont repris assez rapidement, mais
dans un format raccourci et en vidéoconférence. En outre, on explore des
solutions d’interprétation à distance, malheureusement pas toujours en
impliquant le personnel.
Ce qui importe, c’est que la réduction d’effectifs par
équipe due à la crise ne devienne pas une solution permanente et que l’avancée
technologique se fasse de façon considérée et en consultation avec les
représentants du personnel.
Toutes ces solutions ne sont certainement pas idéales.
Pendant les vidéoconférences, le son et le volume ne sont pas encore bien
maîtrisés, il arrive qu’ils rendent le travail pénible et constituent un risque
pour l’audition, l’outil de travail des interprètes. La nouvelle technologie,
les softconsoles, sera testée à nouveau, mais risque de ne pas être suffisamment
au point.
Heureusement que le bout du tunnel est en vue, la campagne
de vaccination a commencé. Les interprètes devraient être vaccinés en avril,
mais faute d'un nombre suffisant de doses, une sélection en fonction de
l'exposition réelle devra se faire.
Espérons donc que tous les interprètes qui travaillent
actuellement, puissent être pris en compte aussi rapidement que possible et que
la vie au travail retrouve une relative normalité.
10/02/2021 |