Chimie comestible : reconnaître les faux aliments

 

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  Obésité, maladies cardiovasculaires, diabète, cancers, … progressent chaque année. Deux milliards d’adultes de par le monde présentent un IMC (indice de masse corporelle) supérieur à 25 en 2020 (dont un triplement de l’obésité depuis 1975 avec 650 millions d’obèses). En Europe, près de 60% de la population est en surpoids ou obèse. Ce phénomène touche aussi un enfant sur trois ! L’OMS (Organisme Mondial de la Santé) a décidé de prendre le problème à bras le corps. Les raisons de ce désastreux constat sont multiples. Cependant, l’assiette et les aliments qui la composent posent problème et expliquent en grande partie les causes et aussi les conséquences de cette situation catastrophique.

Le Dr Anthony Fardet, ingénieur agro-alimentaire, docteur en nutrition humaine, chercheur en alimentation préventive, durable et holistique, auteur de livres sur l’alimentation et la transformation de celle-ci par l’industrie agro-alimentaire, nous éclaire sur les causes de ce désastre sanitaire dans ses deux livres : « Halte aux aliments ultra transformés ! Mangeons vrai » et « Pourquoi tout compliquer, bien manger est si simple ». Sa vision holistique de l’alimentation change bien des paradigmes, tout en offrant des solutions pérennes aux sujets sensibles que sont la santé et l’environnement.

Force est de constater que les mesures prises au niveau national, voire européen, pour lutter contre ce fléau ne fonctionnent pas. En effet, l’approche actuelle de l’alimentation saine a pris bien des rides puisqu’elle continue à considérer l’aliment comme une somme de nutriments : protéines, glucides, lipides, vitamines, minéraux. Cette approche réductionniste est en partie responsable de l’échec des politiques de santé publique. Manger – bouger semble pourtant si facile pour être en bonne santé. Cependant, le corps n’est pas juste un simple équilibre entre des apports et des dépenses en calories. La qualité des calories est primordiale et prime sur la quantité, pour l’alimentation préventive. Selon cette équation simpliste et réductionniste, si une personne est en surpoids, c’est donc logiquement de sa faute car elle mange trop et ne bouge pas assez.

C’est bien plus compliqué que cela. Manger – bouger ne met donc pas en avant la qualité des calories ingérées, qu’elles proviennent d’aliments pas, peu, normalement ou ultra-transformés. Ainsi, si vous bougez mais mangez essentiellement ultra-transformé, cela ne suffira pas à vous prévenir des maladies chroniques.

Le degré de transformation des aliments : un paramètre fondamental

En se focalisant sur les nutriments, on en oublie l’aliment d’origine (on mange des aliments, pas des nutriments). Et pourtant, ce facteur fait toute la différence. Un « steak » végétal pourrait être équilibré sur le papier malgré qu’il soit conçu avec des éléments provenant de nombreuses sources différentes qui ne trouvent pas leur place dans une cuisine familiale. Vous y trouverez par exemple des isolats de protéines/fibres, de l’amidon modifié, du gluten libre, des arômes, de l’huile hydrogénée, une kyrielle d’additifs, de colorants, de conservateurs, de texturants pour donner l’illusion au consommateur d’un produit « sain » alors qu’il combine à lui seul, plusieurs marqueurs d’ultra-transformation. Ce type de produit, souvent bien noté au nutri-score, ne présente aucun atout nutritionnel santé.

Les aliments ultra-transformés, qui représentent le fond de commerce d’une certaine industrie agro-alimentaire, souvent mondialisée, touchent l’immense majorité des aliments de grandes surfaces, mais aussi du rayon bio : margarines, céréales petit-déjeuner, biscottes, plats préparés, soupes prêtes à l’emploi,…Ces faux aliments pèsent lourd sur la capital santé de la population.

La déconstruction/reconstruction de l’aliment transforme complètement la matrice originelle de celui-ci. Avec des matrices artificialisées, créées par l’homme, ils sont assez faciles à reconnaître : si un produit comporte plus de 5 ingrédients, vous avez plus de 3 chances sur 4 d’avoir un aliment ultra-transformé. De plus, leur goût est attractif, ils sont très souvent additionnés de sucres, sel et/ou gras, et d’additifs pour modifier le goût, et attirent l’œil avec des packaging très attractifs.

Pour éviter d’acheter en toute bonne conscience de la chimie comestible, lisez la liste des ingrédients. Plus elle est longue avec des noms inconnus, plus la méfiance sera de mise.

Ces faux aliments présentent d’abord des calories vides, càd qu’ils sont souvent pauvres en fibres, vitamines, minéraux, et/ou anti-oxydants. L’enrichissement à postériori en ces composés n’est qu’un trompe-l’œil. Ensuite, ces aliments, plus particulièrement les féculents et fruits ultra-transformés, sont aussi souvent hyperglycémiants puisqu’ils sont une source de sucres rapides qui ont pour conséquence l’élévation rapide de la glycémie. Sur le long terme, ils peuvent provoquer l’insulino-résistance, le prédiabète puis le diabète. Enfin, ces aliments, de par leurs matrices plus souvent molles, visqueuses, liquides, friables, et donc moins masticables, sont peu rassasiants et poussent à manger plus que de raison. Consommés régulièrement sur une longue période, ce type d’aliment provoque la prise de poids, dérégule le métabolisme et induit ensuite les maladies d’(hyper)industrialisation.

Revenir à l’essentiel : la règle des 3 V

Vrai, végétal et varié, 3 mots qui font référence à l’effet matrice tout d’abord et au degré de transformation pour le « Vrai ». Cette dimension innovante, négligée jusqu’à aujourd’hui, est essentielle. Le deuxième V pour « Végétal » : les aliments d’origine animale ne devraient pas dépasser 15% des calories ingérées par jour (soit maximum 3 portions/jour pour un équilibre planétaire durable) : viande, poisson, produits laitiers, œufs… Enfin, la notion de « Varié » pour couvrir un maximum les sources de nutriments. Mangez coloré, de saison, de préférence local et de saison, bref, diversifiez un maximum. Ce principe des 3V est valable partout, à chaque saison et est déclinable sur la planète tout entière.

L’éducation à l’alimentation depuis la plus tendre enfance sera l’une des clés pour une transition saine et durable. Il est difficile de rivaliser avec les produits ultra-transformés. Présentez à un enfant une barre chocolatée ou un fruit, son choix sera vite fait. Habituez-les, dès leur plus jeune âge, à l’alimentation saine, peu transformée mais aussi faire de la prévention dans les écoles pour conscientiser les adultes de demain, continuer à informer la population,… voilà différentes pistes pour alerter sur les dangers de ce type d’aliments. Manger en se faisant plaisir avec des aliments sains, ce n’est pas si compliqué.

21/06//2022

 
 
 
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Sylvie Dejardin et Anthony Fardet