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Remédier aux difficultés rencontrées par la
représentation du personnel
Comment remédier aux difficultés rencontrées par la
représentation du personnel ?
10 thèses pour avancer !
La représentation du personnel est en crise.
Cette crise est multiforme. Il est difficile donc d’en rendre compte de
manière complète. On ne peut que soulever les premières questions et fournir un
début de réponse.
Les réponses et les actions ne peuvent être que collectives. Le débat d'abord
interne aux syndicats doit s'élargir à tout le personnel, car en définitive,
c'est l'ensemble du personnel qui est concerné par les acteurs de sa défense
professionnelle collective.
L’objet de ce papier est d’initier le débat pour approfondir réflexions et
lignes d'action. Nous suggérons 10 thèses, identifiant autant de
problèmes à résoudre. Cela peut paraître encore sommaire, mais il faut bien
commencer quelque part.
1. Le contexte politique de l’activité syndicale dans les institutions est
mauvais. La construction européenne est en panne et va même dans la mauvaise
direction dans certains domaines. L'UE ne parait plus aussi utile aux citoyens
pour fournir des réponses aux problèmes de l’heure. Le fonctionnement des
institutions, leur rôle, en pâtit. L‘action collective est de ce fait moins
aisée.
2. Les difficultés de la représentation du personnel sont liées également à
son isolement politique. Les syndicats ne disposent ni de relais politiques ni
de connections opérationnelles avec les syndicats européens. Deux syndicats,
dont U4U, disposent de tels relais syndicaux européens. Mais l’efficacité
programmatique et opérationnelle qui pourrait en découler devrait être
améliorée, pour U4U comme pour l’autre syndicat.
3. Il s’agit ensuite d’un déficit programmatique, de projet et de méthode.
Les syndicats de la fonction publique ne sont pas suffisamment proactifs. U4U
essaye de combler ce vide, en promouvant un corpus théorique grâce à ses
publications et en améliorant la pratique syndicale, celle de la proximité et
d'une force de propositions constructives. Mais U4U doit encore s'améliorer et
surtout entraîner plus efficacement dans cette voie l'ensemble de la
représentation du personnel.
4. Vient ensuite la question de la faiblesse relative de la formation et de
l'expérience du personnel syndical, y compris l'expérience pratique. En outre,
les syndicats ne disposent que de très peu d’expertise extérieure indépendante,
contrairement à ce qui se pratique dans les états membres où l’employeur y
contribue financièrement.
« Obtenir des moyens d’une expertise extérieure
indépendante ».
« Obtenir des moyens suffisants pour assurer la formation
des représentants du personnel »
5. La faiblesse des moyens accordés par l’institution à la représentation du
personnel : à peine 44 exemptions de service pour 13 organisations syndicales
représentant 35.000 collègues présents dans plus de 150 pays de l’Union et Hors
Union et animant 8 comités du personnel, en plus du Comité central. Ces moyens
sont mis à disposition des appareils centraux de la représentation syndicale et
statutaire du personnel. Rien n’est fourni au niveau des DGs alors que certaines
sont composées de plus de 2.000 personnes réparties en au moins trois sites.
« Obtenir 70 exemptions, dont 10 au niveau des grandes DG
et 20 au niveau syndical »
6. Ailleurs, comme à Séville, on ne dispose même pas de comité du personnel.
Les représentants du personnel en Agences d’exécution ne disposent pas
d’exemptions. La représentation des Agences n'est pas assurée au Comité central
de la Commission, ce qui accroît son isolement, alors que le personnel se voit
appliquer des règles décidées au niveau de la Commission. Enfin, les moyens
humains, matériels mis à la disposition du personnel Hors Union (HU), dispersé
dans plus de 140 pays, sont très nettement insuffisants et ce personnel est
sous-représenté au Comité central du Personnel.
« Créer un comité du personnel à Séville »
« Renforcer le comité du personnel hors Union »
« Intégrer les comites du personnel des agences dans le comité central du
personnel de la Commission »
7. La crise que connaît aujourd’hui la représentation du personnel est
imputable aussi à notre employeur. Celui-ci conduit un dialogue social à la
hussarde (en ne créant pas les conditions d'une consultation effective),
privilégie trop la méthode top down, et enfin ne recherche aucune
implication du personnel dans la conduite du changement, etc...
« Obtenir des règles pour un dialogue social plus sincère
et plus efficace »
8. La crise se nourrit aussi de la dispersion des forces syndicales ( plus de
10 organisations à la Commission : US, R&D, Conf. SFE, U4U/USHU, FFPE, TAO, SE
Bruxelles, SE Luxembourg, AD Luxembourg, SID, G-04, SFIE ….). Cela nourrit une
certaine cacophonie. Il est nécessaire de favoriser progressivement une
recomposition syndicale qui passe aussi par son regroupement.
« Élever le seuil de la représentativité au niveau local de
5 à 7% »
« Élever le seuil de représentativité au niveau central de 6 à 9% »
9. L'organisation d’élections au niveau local tous les ans favorise
l’exacerbation de la concurrence entre syndicats et pose de nombreux problèmes.
Ainsi la formation du bureau du CLP Bruxelles a pris 5 mois, au prix de
présidences tournantes (3 en trois ans). Celui du CCP n’est toujours pas
constitué, à cause de problèmes à Bruxelles, puis à Ispra, puis au Luxembourg,
puis dans le HU. Il sera peut-être enfin formé fin novembre à Ispra, suite à
l’élection du comité local de Luxembourg, et encore pas complètement puisque des
problèmes subsistent dans le HU.
« Tenir les élections aux comités du personnel, toutes en
même temps, tous les 3 ans, durant le dernier trimestre de l’année civile »
10 Enfin, les élections aux comités locaux du personnel ont des modes de
scrutin différents. Cela permet à des minorités d’avoir une majorité des sièges.
Des listes qui représentent 20% du personnel ne disposent que de 5% des sièges.
Des règles différentes régissent la désignation des délégués des comités locaux
au Comité central du personnel à la Commission. Les délégations de l'UE n’ont
pas le même poids en nombre de représentants au CCP, même si le nombre de
collègues représentés est identique.
« Établir le même mode de scrutin aux différentes élections
locales »
« Définir les mêmes règles régissant la composition des délégations des comités
locaux au comité central »
« Accorder un nombre de désignés au comité central en proportion de la
population représentée »
18/11/2013
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Marquer contre son camp
Lettre de G2004 proposant de nouvelles
mesures d'économies au détriment du personnel, à l'occasion de la réforme du
statut (Mai 2013)
Réforme du Statut : lettre de
U4U à Génération 2004 concernant la lettre que ces derniers ont envoyé en
novembre 2012 aux représentants permanents. U4U regrette des prises de position
qui donnent des armes au Conseil contre la fonction publique européenne.
Lettre de R&D du 22 Fev 2013
commentant cette même lettre.
Open Letter sent
on Jan 2013, 14th by STEFAN GRECH (elected to the CLP Brussels for G-2004) to
the Maltese Prime Minister and the Leader of the Opposition (at the moment Malta
is in a general election campaign mode). This letter was copied to the editors
of all Malta's main newspapers, all the Maltese MEPs and to Malta's Permanent
Representative to the EU as well as to all Maltese officials in the Institutions.
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Derrière l'austérité, des hommes
La politique d'austérité drastique en Grèce a son martyr. Dimitris
Christoulas s'est tiré une balle dans la tête sur la place centrale d'Athènes.
Dans sa lettre d'adieu, il dit : «Le gouvernement ... a réduit littéralement
à néant mes possibilités de survie, qui étaient fondées sur une retraite
honorable pour laquelle j'ai payé (toute ma vie)... Je ne trouve pas d'autre
solution qu'une fin digne, avant que je ne commence à chercher dans les
poubelles pour me nourrir. Je pense qu'un jour les jeunes sans avenir prendront
les armes et qu'ils pendront les traîtres sur la place Syntagma, comme les
Italiens ont fait avec Mussolini en 1945.» Si ce suicide a ému toute la
Grèce, c'est qu'il est le symbole d'une augmentation de 45% des suicides en un
an.
Quand les politiques économiques préfèrent paupériser tout un pays plutôt que
de réorganiser la finance qui est à l'origine de la crise, elles cessent d'être
légitimes. L'État devient un Moloch qui dévore ses citoyens. Il est grand temps
de se souvenir qu’un État démocratique est un instrument au service du peuple,
que les politiques nationales de rigueur doivent être contrebalancées par des
actions de relance au niveau communautaire pour préparer l'avenir et donner de
l'espoir, avant que l’appel aux armes de Christoulas ne trouve un écho. Or ce
risque existe : une manifestation devant le siège de la Banque Européenne à
Francfort a tourné à l’émeute le 31 mars, et ce n’est pas la seule fois que des
violences ont lieu durant de récentes protestations.
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Tentations autoritaires en Europe? Please, Europe,
come back !
La crise économique actuelle est parfois comparée à la crise de 1929. Dans
les années qui ont suivi cette crise, la démocratie a été mise à mal au profit
de mouvements autoritaires. Et les mouvements autoritaires font toujours leur
lit sur la désespérance de ceux dont l'avenir s'assombrit.
S’il y a une leçon à tirer du passé, c’est que ceux qui ont accepté de
sacrifier la démocratie en pensant lutter contre la corruption, pour redresser
l’économie et pour garantir l’ordre, n'ont eu que davantage de corruption, une
économie de guerre et pour finir le désordre absolu de la guerre et ses ravages.
Un régime autoritaire ne garantit nullement un État efficace. Par contre, il
supprime la possibilité de le critiquer et de le faire évoluer autrement que par
des crises soudaines et forcément sanglantes. Les évènements actuels du
printemps arabe sont là pour le rappeler.
Les tentations autoritaires se font jour en Europe. La Hongrie, membre de
l’Union européenne, est un cas emblématique qui devrait sérieusement inquiéter
ceux qui pensent que nos États sont immunisés contre les maladies du passé.
En Hongrie, un parti venu au pouvoir démocratiquement comme d'autres dans les
années 30, pervertit la démocratie. Il muselle les médias, criminalise
l’opposition au nom du passé communiste, met au pas tous les organismes de
contre-pouvoir (banque centrale, cour constitutionnelle…). Parallèlement, il
implante des mécanismes qui rendront toute alternance démocratique virtuellement
impossible ainsi que tout changement de politique économique.
Ce paquet de mesures s’accompagne du plus que douteux rétablissement de
l’ordre moral (mesures contre les homosexuels, contre l’avortement …) ainsi que
de décisions dangereuses comme celle visant à reconnaître la nationalité
hongroise aux minorités hongroises dans d’autres pays. Ce révisionnisme de
l'Histoire, cet irrédentisme hongrois, sont lourds de conséquences pour les
voisins et donc, pour l'Union toute entière.
Le tout s’organise aux accents d’une musique trop bien connue: chauvinisme,
représailles, valeurs mythiques comme la "pureté de la nation" ou la "sacralité
de la terre, bénédiction divine sur la nation"1 , bien pratique pour
faire oublier que déjà le bilan économique est catastrophique.
Finalement, la Commission a "courageusement" annoncé le 17 janvier qu'elle
lancerait une procédure d'infraction contre la Hongrie pour "contravention à
l'indépendance de sa banque centrale, atteinte à la protection des données et à
l'indépendance du système judiciaire".
C'est le moins qu'elle pouvait faire, et nous approuvons la déclaration de
Jose Manuel Barroso au Parlement européen qui "…appelle instamment les
autorités hongroises à respecter les principes de démocratie et de liberté et à
les mettre en œuvre en pratique dans ce pays". Mais c'est trop peu devant la
menace que ce gouvernement représente pour les valeurs européennes auxquelles
son pays a adhéré en décidant d'entrer dans l'Union. Quel dommage de ne
s'émouvoir vraiment que devant la perte d'indépendance de leur banque
centrale….Quelle occasion ratée (encore!) pour l'Europe de montrer avec la force
et la conviction nécessaires qu'elle est guidée par une grande vision de la
démocratie.
La Hongrie n'est pas la seule à flirter avec le chauvinisme le plus
revanchard ! Le repli identitaire, souvent camouflé en euroscepticisme, monte un
peu partout, ainsi que le retour aux vieilles recettes des années 30.
L'Histoire nous enseigne qu'on ne peut transiger avec l'autoritarisme: il est
impérieux de lui apporter une réponse politique rapide et forte, en commençant
par donner une réponse économique qui redonne espoir aux peuples.
L’impuissance de nos gouvernants incapables de raisonner "Europe",
l'affaiblissant de facto, accentuant son déficit de gouvernance,
nourrissant sa crise constitutionnelle permanente et hélas, son entêtement à
prôner des mesures économiques inefficaces, contribue à affoler les citoyens et
à les pousser à rechercher des solutions simplistes chez les démagogues.
Il devient urgent de trouver une réponse européenne à la crise, de se
souvenir de nos devoirs réciproques de solidarité, engagement auxquels tous les
membres de l'Union ont souscrit. La solidarité est une valeur structurante de la
construction européenne. Les fondateurs savaient trop bien que la barbarie se
nourrit surtout de son absence.
U4U ne peut pas rester silencieux face à ces dérives que l'on observe un peu
partout dans nos États membres. U4U sera toujours là pour rappeler les valeurs
européennes, ciment de nos sociétés, base du projet européen auquel nous
œuvrons. U4U sera toujours là pour rappeler à nos gouvernants et à la Commission
que ces valeurs, il est de notre devoir de les défendre et de les porter haut.
Ces valeurs ne sont pas seulement à protéger au nom du passé et par crainte
de sa résurgence. Ces valeurs sont à promouvoir au nom du présent et de
l'avenir, du nouveau paysage géopolitique, de l'état de la planète, des défis
mondiaux que nous avons à affronter, ensemble.
Nous avons besoin d'une Europe qui fonctionne de manière solidaire et au
service de tous. Nous ne voulons pas d'une Europe fondée sur le rapport de force
permanent inhérent à la méthode intergouvernementale. L'intergouvernemental
creuse les inégalités, n'a cessé de montrer ses limites et son inefficacité, et
provoquera l'effacement de l'Europe et la disparition de ses valeurs.
C'est donc ensemble que nous devons recréer les conditions d'un progrès
partagé. Ainsi chacun de nos États membres retrouvera son dynamisme dans une
Europe de nouveau porteuse de l'intérêt commun.
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1 Cf. dépêches
d'agences Reuters, AFP, Le Monde.
Voir aussi
article
dans le Link 21 'Osons le débat'
Une
plateforme pour une Europe solidaire a été lancée à la suite de ces
initiatives.
La solidarité, au cœur du renouveau du projet européen
Le texte ci-après écrit suite à la réunion du
Bureau de U4U du lundi 24 janvier 2011, faisant suite à une réunion de travail
initiée par R&D, sera présenté par U4U à une réunion intersyndicale pour tenter
une prise en charge de cette initiative citoyenne de la manière la plus ouverte et la plus
unitaire possible, base indispensable à sa réussite.
Une telle initiative est nécessaire pour à la fois faire face aux
difficultés connues aujourd'hui par la construction européenne mais aussi pour
défendre une fonction publique forte, compétente, permanente et indépendante à
un moment où des tentatives convergentes de nature intergouvernementale se font
pressantes pour l'affaiblir.
Elle est aussi nécessaire pour donner au personnel des raisons qui
accroissent la fierté de sa condition et de sa mission.
La solidarité,
au cœur du renouveau du
projet européen
Dès l'origine, la solidarité a été voulue et conçue comme
le cœur et le moteur de la construction européenne. Non par idéalisme béat ou
pour faire primer le marché sur la citoyenneté, mais par nécessité.
Une
nécessité d'abord pour réconcilier des nations et des peuples qui s'étaient fait
si longtemps la guerre. Une nécessité qui s'impose désormais, ou plutôt devrait
s'imposer, pour faire face ensemble à des défis et à de nouveaux acteurs
internationaux, à l'égard desquels aucun pays européen n'est à l'échelle des
solutions à imaginer et des décisions à prendre.
Comment assurer la préservation du modèle social européen où liberté,
solidarités collectives et progrès social se conjuguent dans en équilibre
fragile, alors que "l'Occident rétrécit" et qu'il est confronté à la
raréfaction des ressources, à une compétition acharnée pour l'accès à ces mêmes
ressources, aux nécessaires redéploiements économiques qu'imposent à la fois la
mondialisation et le développement durable, à un vieillissement accéléré de sa
population enfin –en particulier en Europe? Comment, en effet, sinon par des
actions conduites au niveau du continent européen, de plus en plus réduit à sa
dimension de péninsule de l'Eurasie?
Au
moment où l'exigence de solidarité se fait de plus en plus pressante, celle-ci
est remise en cause par deux développements simultanés: la crise économique
internationale et sa transformation en crise de l'euro, d'une part, la mise en
place de la mécanique intergouvernementale issue du Traité de Lisbonne, d'autre
part.
A
travers la crise financière internationale et à travers la crise de l'euro qui
en a résulté, la crise économique a un double effet délétère sur les solidarités
qui se sont esquissées, et parfois développées, dans la gestion collective des
interdépendances entre pays et peuples européens.
La
crise du système financier international condamne l'Europe à plusieurs années
d'austérité, auxquelles son modèle social de solidarités collectives pourrait ne
pas survivre. Une austérité qui a un coût immédiat: les 750 milliards € que les
classes politiques européennes ont prélevé sur le pouvoir d'achat des
populations, pour s'acheter du temps auprès des spéculateurs, anglo-saxons pour
la plupart. Un coût permanent ensuite, avec le démantèlement programmé de ce
patrimoine commun de tous les citoyens européens que constituent services
publics et mécanismes de solidarité sociale, un démantèlement assorti d'une
baisse durable et régulière du pouvoir d'achat des seules classes moyennes et
populaires. L'appauvrissement durable et généralisé qui en résulte est présenté
comme la clé du maintien de la compétitivité des économies européennes. Une
présentation pour le moins partielle, puisqu'elle vise surtout à masquer
l'incompatibilité entre le montant des engagements financiers des gouvernements
européens auprès des "marchés financiers" et les valeurs européennes exprimées
dans les Traités européens successifs: dignité humaine, démocratie, liberté,
égalité…
La
crise de l'euro quant à elle accroît les risques de "démantèlement" de
l'Union européenne car elle s'accompagne d'un retour en force des égoïsmes
nationaux. Depuis 2008 en effet, ce sont les États qui ont fait leur grand
retour après avoir sauvé les banques et…leurs voisins. Sous la pression de
mouvements populistes qui naissent et prospèrent toujours en temps de crise, les
gouvernements privilégient les seuls intérêts nationaux aux dépens des intérêts
communs européens, et se laissent de plus en plus souvent aller à des réflexes
souverainistes: cette tentation du "cavalier seul" repose autant sur l'excès de
confiance en ses propres forces que sur la méfiance envers celles des autres.
Cette attitude de repli s'accompagne de plus en plus souvent de critiques, sinon
de remise en cause, des Institutions qui sont à la fois expression et promotion
du projet européen et des intérêts communs dont celui-ci est porteur. Ainsi,
certains États membres ont régulièrement pris pour cible la Banque Centrale
européenne, alors que cette dernière a pourtant su mettre son indépendance au
service de tous pour gérer la crise… D'autres s'en prennent à la Commission, qui
pourtant n'a fait que timidement rappeler l'importance d'un dispositif permanent
de gestion de crise. Dès lors, même dans le domaine économique et monétaire qui
est au cœur du projet européen, l'Europe fonctionne sur un mode
intergouvernemental: rapport de forces et pilotage à vue conduisent rarement à
l'efficacité et à la solidarité durables. Les États membres les plus efficaces
ont cependant réalisé que l'euro était aussi "leur" monnaie: avec la mise en
place d'un dispositif permanent de prévention et de gestion de crise, ils ont su
se montrer solidaires tout en imposant leur "culture de la stabilité"
.
Par
son impact sur l'existence même de l'euro, la crise est en train de bouleverser
les règles du jeu européen. Les dix-sept membres de l'eurozone, ainsi que leurs
voisins au sein de l'Union européenne qui s'inquiètent du sort de la monnaie
européenne, ont enfin compris combien l'existence de l'euro était déterminante
pour la stabilité individuelle et collective. Tous acceptent désormais de
trouver une parade collective durable en musclant les mécanismes de discipline
budgétaire et de concertation économique. Même si l'on est encore loin de la
fédération budgétaire à laquelle appelle le président de la BCE, une nouvelle
Europe est en train de naître. Deux questions restent en suspens: l'édifice,
construit sur la base des rapports de forces qu'impose le mode
intergouvernemental, sera-t-il durable? L'absence évidente "d'esprit
européen" permettra-t-il à cet édifice de remplir sa mission?
Il
serait illusoire de trouver une réponse à ces interrogations avec la mise en
place de la mécanique intergouvernementale issue du Traité de Lisbonne. Cette
mécanique va en effet à rebours des évolutions du monde vers davantage de
mondialisation économique et de multipolarité politique.
Alors même que ces évolutions exigeraient encore plus de solidarité dans la
définition et dans l'affirmation d'intérêts communs sur la scène internationale,
ce Traité renverse la tendance qui a prévalu dans tous les Traités européens
depuis le Traité de Rome: une convergence de l'intergouvernemental aléatoire et
construit sur le rapport de forces vers le communautaire structurellement
construit autour de la recherche de l'intérêt commun. Avec Lisbonne, s'exprime
la remise en cause du principe "d'union sans cesse plus étroite". Avec
Lisbonne, s'organise le détricotage des solidarités communautaires au profit
d'un inter-gouvernementalisme mou mais désormais …structuré. L'établissement du
Service d'Action Extérieure Européen illustre cette volonté de dilution des
solidarités: ce vrai-faux progrès prend la forme d'une sorte de
Congrès-de-Vienne-permanent rassemblant, à travers un conglomérat de diplomates
nationaux, des volontés communes de plus en plus incertaines et des velléités
individuelles de plus en plus affirmées.
Le
Parlement européen demeure désormais le principal, sinon le seul, dépositaire de
la démarche communautaire. La Fonction Publique européenne, encore indépendante
malgré les coups de boutoirs portés par "la réforme Kinnock", reste l'outil
efficace au service de l'intérêt commun.
Cependant, le premier est de plus en plus sensible aux ukases des capitales
nationales, puisqu'il ne peut s'appuyer sur des partis européens transnationaux
assurant son indépendance. La seconde, car elle est désormais confrontée à une
perspective de remise au pas par des moyens divers: marginalisation via une
augmentation et une pérennisation de personnels contractuels, remise en cause
des conditions statutaires et matérielles de cette indépendance, etc…
Est-il trop tard pour enrayer ce détricotage engagé depuis 2004, préparé depuis
le milieu des années 90 ? Est-il encore possible de restaurer cet "esprit
européen" fondé sur la solidarité, sur une vision partagée, sur la cohésion
économique et sociale, sur l'intérêt commun?
Pour apporter à cette double interrogation une autre réponse que celle du
fatalisme identitaire et du repli souverainiste que porte l'inter-gouvernementalisme,
les soussignés lancent un Appel à une remobilisation collective de tous
les porteurs de solidarités en Europe…