Travail hybride : quels enjeux pour le suivi ?
Suite à la décision de la Commission sur le temps de travail et du travail hybride, sur base d’une proposition faite par U4U, un comité paritaire composé de membres des OSP et de la DG HR a été mis en place pour une période de 18 mois pour en assurer le suivi et émettre des avis sur des questions pertinentes. Une évaluation de la mise en œuvre de la Décision est prévue en septembre 2023 en vue d’une éventuelle révision.En décembre 2022, le comité a adopté les règles de procédure qui lui permettent de fonctionner pour remplir son mandat. Entre temps, la DG a présenté ses lignes directrices sur la mise en œuvre de la décision et consulté les autres comités paritaires qui ont présenté leurs propres avis.Les lignes directrices ont fait l’objet d’un débat intense au sein du comité paritaire sur le travail hybride sans arriver toutefois à un accord entre ses membres. Tout en reconnaissant l’utilité de ce document qui permet de clarifier certaines dispositions juridiques avec des exemples concrets, il n’en demeure pas moins que cette guidance ne doit pas aller au-delà de ce qui est prévu dans la décision. Son objectif est double : d’une part aider à une mise en œuvre de la décision de la Commission et d’autre part faciliter un suivi efficace, efficient et cohérent de cette décision sur la base de l’expérience vécue et des problèmes rencontrés.Plusieurs questions ont été soulevées au sein du comité, notamment sur l’organisation de la journée de travail de 8h, la nécessité pour le personnel d’être joignable en dehors de heures de travail en cas de besoin, le droit à la déconnexion, les arrangements internes sur le télétravail (et les dérogations possibles), et le télétravail en dehors du lieu d’affectation. Toutefois, il nous semble que certaines questions importantes n’ont pas fait l’objet d’un traitement spécifique, comme par exemple, les risques liés à la santé et à la sécurité – pour lesquels la DG HR renvoie à d’autres dispositions et documents de guidance. Au-delà de ces questions spécifiques, l’organisation et la structure du travail hybride reposent enfin de compte sur la confiance, la flexibilité et l’éthique de la responsabilité.Étant donné le rôle important de ce comité sur la mise en œuvre de la décision, il est nécessaire que le comité paritaire se saisisse des questions importantes pour le personnel et qu’il le fasse en adoptant une démarche empirique fondé sur des données expérimentales et des conclusions des travaux de recherche, à l’instar de ceux menés par Eurofound. Le rôle des experts est essentiel pour nourrir la réflexion et le travail du Comité.Il ne s’agit aucunement de diminuer le rôle des autres comités qui peuvent soulever des questions légitimes dans le cadre de leurs compétences (comme le COPEC qui peut à juste titre évoquer des risques potentiels de discrimination en termes d’égalité et de réconciliation entre travail et vie privée). Mais il ne faut pas perdre de vue la cohérence d’ensemble du dispositif lié au nouvel environnement de travail hybride dont les enjeux sont complexes et qui appellent donc une démarche d’action appropriée.24/01/2023
EUROFOUND report on the rise of telework : slides (Jan 2023)
Télétravail : les enjeux du suivi des dispositions d’exécution établies suite au dialogue social avec les syndicats
Télétravail : les enjeux du suivi des dispositions d’exécution établies suite au dialogue social avec les syndicatsLe télétravail est un enjeu important pour l’avenir de la fonction publique européenne. Les règles adoptées en matière de temps de travail et de temps hybride, font l’objet d’un encadrement et d’un suivi paritaire rigoureux. Le télétravail est un enjeu important pour l’avenir de la fonction publique européenne. Il pose une série de questions sur l’exercice du métier, sur les opportunités et les contraintes, les droits et les obligations, les implications liées à la nature du travail et les risques psycho-cognitifs potentiels. C’est aussi un équilibre délicat entre le souci d’assurer le bien-être au travail, une efficience accrue et l’intérêt du service.Les règles adoptées par la Commission le 24 mars 2022 en matière de temps de travail et de temps hybride1, doivent faire l’objet d’un encadrement et d’un suivi rigoureux , en concertation étroite avec les organisations représentatives du personnel. Il a été prévu à cet effet de constituer un comité paritaire pendant un an et demi pour assurer le suivi de la mise en œuvre de la décision de la Commission.Ce comité est présidé par un fonctionnaire (grade directeur) nommé par la DG HR et composé paritairement de quatre membres désignés par la DG HR et quatre membres désignés par le Comité Central du Personnel. Il doit en particulier adopter ses propres règles de procédures et décider sur ses propres méthodes de travail. IL pourra également mettre en place des groupes de travail conjoints pour mener des travaux préparatoires.La première réunion du comité s’est tenue le 11 juillet 2022 a permis de partager les expériences des différents participants et les spécificités liées à certaines directions générales ayant du personnel basé à Bruxelles et au Luxembourg ou les délégations, à certaines fonctions (par exemple les inspecteurs nucléaires) et à certaines catégories (notamment les agences exécutives ayant une majorité d’agents contractuels). D’autre part, la discussion a mis en lumière des divergences de vue au sein du groupe, notamment concernant des interprétations différentes de la décision, notamment sur le télétravail en dehors du lieu d’emploi. Des règles de procédure devront également être définies afin d’assurer le fonctionnement du groupe.Il est important que les membres du groupe – dont on peut regretter la mise en place tardive- adoptent une approche collégiale et unitaire dans l’intérêt du personnel.Le groupe devra également se pencher sur la question de l’équilibre entre ce qui a été établi dans la décision, à savoir la discrétion laissée aux directeurs généraux et chefs de service dans son application et la nécessité de garantir un traitement équitable, juste et transparent pour tous.Il faudra également accorder une place particulière aux questions de santé et de sécurité dont on sait qu’elles sont cruciales pour de nombreux collègues souvent soumis à une surcharge de travail ayant des effets sur leur bien-être individuel et familial.Enfin, l’efficacité du comité dépend dans une grande mesure de la nécessité de disposer de données objectives sur la diversité de pratiques existantes au sein de la Commission à travers des enquêtes ciblées auprès d’un échantillon représentatif à des fins de suivi et d’évaluation. Les groupes de travail pourront fournir une aide précieuse grâce au soutien actif d’experts qui pourront donner leur avis sur les questions plus pertinentes.Il s’agit là d’un vaste chantier auquel nous apporterons, sur base des travaux de ce Comité paritaire, notre contribution et un soutien constructif dans l’intérêt de tous.
1 Commission decision on working time and hybrid working, C(2022) 1788 final
Nos thèses sur le télétravail
- Télétravailler de l’étranger : un réel enjeu
- Le télétravail : un cadre de vie idyllique ?
- Challenges of Teleworking: organization of working time, work life balance and the right to disconnect (Opinion of the EESC)
- Digest of the opinion of the EESC on the challenges of teleworking
- Working from abroad : letter from the CSC to Commissioner Hahn
- The right to disconnect (resolution European Parliament)
- Analyse juridique : Télétravail depuis son lieu d’origine
- Telework and efficiency
- Télétravail, efficacité et communication
- Telework and expatriation allowances: Member States call the European Commission to account, during discussions in the Council’s Staff Regulations Group
- Brochure: THESES ON TELEWORKING IN THE EUROPEAN INSTITUTIONS (EN)
- Brochure : THÈSES SUR LE TÉLÉTRAVAIL DANS LES INSTITUTIONS EUROPÉENNES (FR)
Thèses sur le télétravail dans les Institutions européennes
Pour le débat
Définition : « Télétravail : Activité professionnelle exercée à distance de l’employeur grâce à l’utilisation de la télématique ». Par extension, activité professionnelle qui s’abstrait d’un lieu de travail particulier, défini.
Le télétravail ne se réduit pas au travail à domicile. Le télétravail peut se faire à domicile, dans des bureaux décentralisés, dans les bureaux centraux, pouvant être à la fois individuels, collectifs et collaboratifs, ou de passage (pour les visiteurs), ou encore à l’étranger (de manière limitée, par ex. 3 semaines/an).
Préambule: L’objectif du télétravail ne devrait pas être en priorité l’économie des moyens budgétaires, même si elle pourrait en résulter a posteriori ; ça devrait plutôt être de permettre au personnel de mieux accomplir ses missions et de mieux concilier vie privée et vie professionnelle.
Le télétravail est également mis en œuvre dans l’intérêt du service, pour améliorer l’efficacité du travail. Cette mise en œuvre ne devrait pas affaiblir la cohésion nécessaire au sein de la fonction publique européenne, ni mettre en péril l’accueil, l’intégration et les apprentissages.
Pour U4U, le télétravail est :
Volontaire / Réversible / Variable / Encadré / Flexible / Accompagné / Maîtrisé / Négocié
1. Volontaire : Point essentiel de tous les accords entre partenaires sociaux au niveau européen et dans les États Membres. Ni obligation, ni contrainte (sauf raison impérieuse, telle une pandémie).
2. Réversible : Corollaire du caractère volontaire. On peut choisir de revenir au présentiel.
3. Variable : Plus généralement, le télétravail peut être choisi de manière variable : une semaine et pas l’autre, le matin ou l’après-midi…
4. Encadré : Semaine de 40 heures, « coretime », plages horaires de 7h à 19h, travail de nuit exclu (art. 56 du Statut) ; attention particulière à la porosité entre vie privée et professionnelle, à l’hyper connectivité, aux risques de « surcharge digitale ».
Note: Dispositions à mettre en place pour permettre le télétravail à l’étranger pendant des périodes plus longues en cas de circonstances personnelles exceptionnelles.
5. Flexible : Mise en œuvre flexible: besoins différenciés, identifiés au sein des secteurs/unités pour répondre à la réalité des métiers, des sites, des projets, des équipes, d’échéances ou de situations de crise.
6. Accompagné : Les conditions de travail des fonctionnaires respectent les normes de santé et de sécurité (article 1 sexies par. 2 du Statut). Garantir un lieu spécifique au travail à la maison (ergonomie, éclairage, mobilier, etc.). Veiller à la prise en charge du coût engendré pour le travailleur.
Attention : Garantir une offre suffisante de services sociaux comme les crèches et garderies, ou la restauration collective (équilibre vie professionnelle – vie privée, santé mentale, efficacité du travail, cohésion, convivialité…)
Former à de nouveaux modes d’animation des collectifs de travail et de leadership, pour s’adapter à une pratique plus autonome et plus flexible du travail, qui se gère par objectif.
7. Maîtrisé : comme toute organisation du travail, le télétravail présente certains risques, qu’il faut reconnaître pour mieux les maîtriser et/ou les accompagner:
a. sur un plan technique :
Étudier l’émergence d’une nouvelle culture de la relation au travail dans un continuum d’hyper connectivité. Évaluer ses effets pour corriger les éventuels impacts négatifs (atomisation des collectifs, surmenage, isolement, etc.). Préparer et accompagner la mise en œuvre par des formations nouvelles du personnel et de l’encadrement, y inclus des formations pour éviter la « surcharge digitale ».
b. sur un plan personnel :
Attention particulière à la porosité entre vie privée et vie professionnelle. La conciliation entre les deux dépend aussi de :
(i) la mise en place ou le maintien de services aux collègues qui répondent aux besoins et
(ii) la promotion de rythmes de travail réguliers, respectueux du bien-être.
Assurer la flexibilité du lieu de travail. Un télétravail restreint au domicile entrave des besoins essentiels au développement de l’être humain, voire se traduit par des conditions de travail (et de vie) dégradées.
c. sur un plan organisationnel :
Comprendre l’importance fondamentale d’un travail en présentiel significatif pour assurer la formation et la cohésion des équipes de travail multiculturelles et pluridisciplinaires de la fonction publique européenne.
Éviter le recul de l’apprentissage qui s’opère simplement en regardant autrui faire. Prévenir le retard ou même l’échec dans l’intégration des nouveaux venus.
d. au niveau de la motivation :
Assurer que le télétravail ne soit pas une forme de fuite, qui mènerait à l’isolement, à une perte de vue de la finalité des tâches confiées. Le travail défini par d’autres devient plus formel encore quand on n’a pas d’autre contact que son écran. C’est seulement en intégrant l’individu dans un contexte de travail collectif qu’on peut lui donner l’opportunité de s’épanouir.
8. Négocié : avec les partenaires sociaux, représentants du personnel, et avec le personnel lui-même.
Apprendre de l’expérience acquise. Le télétravail offre une option riche de potentiels pour l’avenir. Pour réussir sa mise en œuvre, la raison commande de l’envisager sur la base d’une évaluation objective des effets observés tout en laissant le temps nécessaire à la réflexion. Sa pleine réussite dépend de la capacité et de la volonté des Institutions de gagner l’adhésion de tous.
Contexte et enjeux
La mise en œuvre du télétravail doit résulter du dialogue social entre partenaires sociaux : ce dialogue doit concerner d’abord ce thème, et aborder ensuite ceux qui lui sont corrélés : la politique immobilière, l’offre de restauration sur le lieu de travail, les systèmes de crèches et garderies pour les enfants, la mobilité de et vers les différents lieux de travail, les compensations financières des frais dus au télétravail, le respect de la santé et du bien-être sur tous les lieux de travail, etc.
Ce dialogue doit être précédé par une discussion basée sur une information complète. Il faut éviter à ce stade les méthodes consultatives sans débat ni information préalables.
Il est important de comprendre d’emblée l’importance d’un travail en présentiel significatif pour assurer l’intégration, la formation et la cohésion des équipes de travail multiculturelles et pluridisciplinaires de la fonction publique européenne.
En effet, la mise en œuvre du télétravail dans le contexte européen doit tenir compte de la diversité culturelle et linguistique. Elle ne doit pas entraver la formation des équipes de travail, de relations professionnelles « maison » nécessaires au traitement des dossiers, ni exclure un lieu de travail commun, unifié, au minimum par équipe. Elle doit au contraire le permettre et le favoriser en organisant régulièrement des opportunités de travail en présentiel.
L’enjeu est également d’éviter le recul de l’apprentissage qui s’opère simplement en regardant faire les autres. Il est tout aussi important de prévenir le retard ou même l’échec dans l’intégration des nouveaux venus.
Tous ceux qui travaillent au sein du service public européen doivent pouvoir continuer à porter le projet européen et à assurer des politiques publiques de qualité. Il est difficile d’être ensemble, engagés ensemble, quand on travaille entre deux modes imposés : l’inconfort d’un hotdesking mal préparé et le confort d’un « home office » isolé du monde et de sa diversité.
Si le télétravail offre une option riche de potentiels pour l’avenir, la raison commande de l’envisager sur la base d’une évaluation objective des effets observés suivie du temps nécessaire à la réflexion. Sa pleine réussite dépend de la capacité et de la volonté de l’institution de gagner l’adhésion de tous. Aussi enthousiaste puisse-t-on être, on ne peut ignorer les souffrances de ceux qui ne s’expriment pas – dans les « pulse surveys » par exemple -, ou sont sortis de nos radars pour cause de dépression et/ou d’incapacité à s’adapter aux nouveaux environnements de travail.
Car l’observation des réactions au télétravail révèle un tableau nuancé et complexe où l’autonomie le dispute au mal être. Le télétravail ne peut être une solution miracle. Mal accompagné, il peut même favoriser le sentiment d’isolement, d’atomisation et de perte du lien social, voire d’impossibilité de créer ces liens. Et tout ceci aura inévitablement un effet sur la qualité de nos résultats, individuels autant que collectifs.
Le télétravail ne vise pas en priorité l’économie des moyens budgétaires, même si elle pourrait en résulter a posteriori. Il vise plutôt à permettre au personnel de mieux accomplir ses missions et, si possible, de mieux concilier vie privée et vie professionnelle. La réalisation d’économies doit résulter d’une discussion spécifique à ce sujet, comme demandé par la représentation du personnel.
Pour nous, la politique immobilière est une conséquence de la mise en œuvre du télétravail et non pas l’inverse. Pour nous encore, le télétravail est volontaire, réversible, variable, sa mise en œuvre devant être flexible et décidée à un niveau décentralisé. Par conséquent, nous pensons que le choix du lieu où le travail s’effectue doit permettre de combiner les endroits : à domicile, dans des bureaux décentralisés, dans les bureaux centraux, pouvant être à la fois individuels, collectifs et collaboratifs, ou de passage. Il devrait être aussi possible, à l’intérieur d’une même équipe, de fonctionner de manière hybride : certains à domicile, d’autres en mission sur d’autres lieux de travail, d’autres encore dans les bureaux centraux.
Bref, l’intégration du télétravail dans nos pratiques reste à inventer, sans a priori. L’établissement d’une nouvelle culture de travail demande de prendre en compte différentes dimensions: organisation spatiale, mais également temporelle, managériale, relationnelle… C’est le but des thèses ci-dessus qui visent à réagir et à penser sa généralisation dans le contexte de la fonction publique européenne et de sa population spécifique de personnel expatrié.
June 2021
Le télétravail et nous
(éditorial du bulletin du Comité du Personnel à Bruxelles – Dec 2020) EN version herebelow
Le télétravail faisait déjà partie de notre environnement de travail avant la pandémie de mars 2020. Mais il le faisait de manière limitée, sinon marginale, tant pour le télétravail structurel qu’occasionnel.
La pandémie a poussé notre institution à une marche en avant forcée tendant vers une généralisation du télétravail, afin de préserver le personnel de ses effets négatifs.
Cette généralisation a soulevé tout d’abord un premier défi, celui de nos capacités techniques. Pouvait-on connecter et faire travailler plus de 30.000 collègues à distance en même temps? La réponse fut positive. Dans un second temps, s’est posé la question du coût à supporter par le personnel, puis les questions liées à la bureautique, ou encore à la possibilité de travailler de son lieu d’origine.
Petit à petit, la satisfaction du personnel de travailler dans un environnement sûr s’est transformé, l’inquiétude prenant le pas sur la sérénité. La deuxième vague de confinement montre que l’isolement social induit devient de plus en plus difficile à supporter. Des questions qualitatives prennent le pas sur les questions matérielles. Beaucoup de collègues constatent l’accélération des rythmes de travail et subissent la porosité de plus en plus forte entre les vies privées et professionnelles avec une difficulté croissante à maintenir des équilibres. Les difficultés inhérentes à la vie des familles, surtout celles monoparentales et expatriées, se sont de fait exacerbées. L’intégration des nouveaux venus recrutés début 2020 dans les services s’est avérée une faillite pour beaucoup d’entre eux. Et nos managers ne sont pas formés à l’animation des collectifs à distance. Certains ont même été perdus de vue….
Une nouvelle réalité se dessine : les facilités accordées par l’administration en terme d’acquisition de matériel bureautique risque de donner lieu à des moins disant au niveau des bureaux, des lieux de travail et des espaces en général quand il s’agira de retourner au travail.
L’impression prévaut que le télétravail va devenir en partie obligatoire pour permettre la mise en place d’espaces collaboratifs, voire « d’open space », pire, de « hot desk ». Si cela se discute, force est de constater qu’aucun dialogue avec la représentation du personnel n’a encore eu lieu sur les conséquences de cette généralisation. Un dialogue fondé sur une information critique et complète des expériences du télétravail dans nos services, et dans d’autres services et organismes est pourtant essentiel.
Car sait-on vraiment télé travailler ? Il a fallu acquérir vite une maîtrise relative de la dimension technique du télétravail. Mais la découverte majeure fut celle d’une méconnaissance générale des modes de travail à adopter. Si dans une certaine mesure le télétravail a constitué un progrès, dans une autre mesure il a favorisé l’atomisation de la fonction publique, il a envahi la sphère privée avec les activités professionnelles, et réciproquement, il n’a pas favorisé un accueil correct des nouveaux collègues ni les liens avec nos interlocuteurs extérieurs, il a mis à mal notre bien-être et notre santé. À première vue, les effets négatifs proviendraient de la généralisation du télétravail structurel qui isole tandis que le télétravail occasionnel, même plus massif, peut d’avantage découler des choix organisationnels d’équipe.
Le télétravail nous a apporté beaucoup : d’abord accomplir notre mission en période de pandémie dans un contexte délicat de crise et de discussion budgétaires, où la société européenne avait besoin de sa fonction publique. Mais tout en nous permettant de garantir la continuité du service, le télétravail généralisé nous a éloigné les uns des autres, au risque de mettre en danger le collectif de travail, l’esprit de corps, la convivialité indispensable à toute organisation humaine et notre bien-être physique et mental.
Ces réflexions constituent des questions à aborder au sein du personnel. Nous devons nous forger notre propre opinion sur la manière de travailler la plus efficace et la meilleure pour nous. C’est le défi du début de l’année 2021.
Georges Vlandas
Président du Comité du personnel de la Commission à Bruxelles
Telework and Us –
Editorial by Georges Vlandas, Chairman of the Commission’s Staff Committee in Brussels
Teleworking had already been part of our working environment before the pandemic of March 2020. But it was used in a limited, if not marginal way, for both structural and occasional telework.
The pandemic has pushed our institution to generalize telework in order to protect staff from the negative effects of the disease.
This widespread use of telework has immediately posed a first challenge, that of our technical capacities. Could we connect and make more than 30,000 colleagues work remotely at the same time? The answer was positive. Then, there was the question of costs to be borne by the staff, followed by questions of office automation, or the possibility of working from one’s home country.
Gradually, the staff’s approach to working in a safe environment has changed, with anxiety taking precedence over serenity. The second episode of the confinement shows that the induced social isolation is becoming more and more difficult to bear. Qualitative issues take precedence over material ones. Many colleagues notice the acceleration of work rhythms and experience an increasing mixing of their private and professional lives, along with a growing difficulty to maintain the balance between them. The difficulties inherent in the lives of families, especially single parents and expatriates, have in fact been exacerbated. The integration of newcomers recruited at the beginning of 2020 has proven to be a failure for many of them. And our managers are not trained to lead groups remotely. Some have even been lost from sight…
A new reality is taking shape: the facilities granted by the administration in terms of acquiring office automation equipment will be in the hands of the lowest bidder in terms of offices, workplaces and spaces in general, when it comes to returning to work.
The prevailing impression is that teleworking will become partly compulsory to allow the setting up of collaborative spaces, or even « open spaces », or worse, « hot desk » spaces. Although this is being discussed, it must be noted that no dialogue with the staff representation has yet taken place on the consequences of this generalisation of telework. A dialogue based on critical and comprehensive information on the experiences of telework in our services, and in other services and organisations, is however essential.
Do we really know how to telework? A relative mastery of the technical dimension of telework had to be acquired quickly. But the major discovery was a general lack of knowledge of what modes of work have to be adopted. If to a certain extent, telework has been a progress, to another extent, it has favoured the atomisation of the civil service and it has invaded the private sphere with professional activities. Conversely, it has not favoured a correct welcome of new colleagues, nor the links with our external interlocutors; it has damaged our well-being and our health. At a first glance, the negative effects would come from the generalisation of structural telework, which isolates people; whereas occasional telework, even on a more massive scale, may arise from the choices of organising a team’s work.
Telework has brought us a lot: first of all, it allowed for an accomplishment of our mission in a period of pandemic in a delicate context of crisis and budgetary discussions, when European society needed its public service. However, while enabling the continuity of service, widespread teleworking has distanced us from one another, at the risk of endangering the work collective, the esprit de corps, the conviviality indispensable to any human organisation, as well as our physical and mental well-being.
These reflections are questions to be addressed among the staff. We have to form our own opinion on how to work in the most effective and best way for us. This is the challenge of the beginning of 2021.
La COVID19 a généralisé le télétravail
La pandémie actuelle nous a permis de pratiquer le télétravail à une plus grande échelle avec des avantages certains, comme par exemple, travailler plus facilement et régulièrement avec des collègues situés sur d’autres sites, travailler dans des conditions sanitaires plus sûres en période d’épidémie, assurer un meilleur équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, réduire la charge et la pénibilité d’une mobilité quotidienne via les transports publics ou privés, etc. Mais le télétravail soulève aussi des problèmes.
En effet, la généralisation et la pérennisation du télétravail poseront des problèmes que l’on ne soupçonne pas encore et dont on devra débattre en termes de cohésion des équipes de travail, d’accueil des nouveaux collègues, de risques psycho-sociaux, de problèmes bureautiques, de difficultés d’une communication collaborative, de maintien d’une nécessaire rupture entre le professionnel et le privé.
Avec la généralisation du télétravail, on a une présence excessive de la sphère professionnelle dans la sphère personnelle (et réciproquement) en même temps que l’on perd la dimension interpersonnelle dans le travail. Il faut aussi souligner la présence d’inégalités entre les membres du personnel selon la possession ou pas d’un habitat suffisamment grand et de condition de travail adéquates, la présence permanente d’enfants, la situation du conjoint (quand deux télé travaillent ou quand seul celui ou celle qui télé travaille assume les enfants), etc.
Dans une large mesure, certaines de ces difficultés peuvent être résolues par l’adaptation des outils et environnement aux réalités de travail dans les institutions. Toutefois, ceci doit être convenablement discuté.
Nous préconisons des évolutions progressives respectueuses du temps nécessaire à l’adaptation, fondées sur une réflexion de fond, conduite sur base d’expertises indépendantes et une discussion interne à la fonction publique européenne. Cette réflexion devra s’opérer en dehors du contexte épidémique actuel qui ne permet pas suffisamment des mises en perspectives sereines.
18/10/2020
Télétravail : un document pour le dialogue social Lettre à la DG HR sur le télétravail (Nov 2015)