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Débats

Diviser le personnel, c’est se battre contre ses propres intérêts.

Œuvrons dans la clarté en faveur de l’unité du personnel.

Aujourd’hui, U4U se voit obligé de sortir de sa réserve. Plusieurs papiers ont circulé récemment, excessifs et inexacts, dénigrant de manière exagérée et hors contexte le travail effectué par la représentation du personnel, voire opposant une partie du personnel à l’autre. Nous pensons que la coopération intersyndicale ne doit pas exclure le dialogue sur le fond. Celui-ci constitue la base même de coopérations fructueuses.

Nous avons subi deux réformes en dix ans. Notre quotidien professionnel est sans cesse en mouvement. Le dialogue au sein de l’institution doit être encore tonifié. La nouvelle Commission va exiger de nous des efforts renouvelés pour faire face à la situation négative qui prévaut aujourd’hui dans l’Union. Dans ce contexte, l’unité du personnel devient encore plus nécessaire. Pour se réaliser, elle a besoin d’un dialogue de qualité.

U4U considère que le personnel ne peut être défendu que de manière unifiée. En divisant le personnel, certains défendent une orientation dont les résultats ont déjà concrètement lésé le personnel tout entier. Il est temps de rétablir certaines vérités et de situer les responsabilités.

Quelques faits d’abord

Le personnel, dans son ensemble, est victime des deux dernières réformes du Statut, qu’il a combattues et qu’il subit. L’accroissement des disparités et de la précarité a été voulu par les États membres et par certains des dirigeants de la Commission. Prétendre que les syndicats, ou même tout le personnel déjà en place, en ont été complices, relève de la mauvaise foi et de la désinformation.

Lors de la réforme de 2004, les syndicats ont aussi cherché le soutien de certains dirigeants des nouveaux États membres pour éviter les disparités salariales, sans succès. Les mêmes démarches ont été effectuées auprès d’autres États membres, également sans succès.

Si le coût de cette réforme a été en grande partie supporté par le personnel embauché après cette date, c’est tout le personnel qui a été touché de façon significative (par exemple, augmentation substantielle du prélèvement de crise, payé davantage par les salariés les plus élevés, par une révision des conditions de départ à la retraite, par la suppression d’un certain nombre de facilités, etc.).

Les contractuels à durée déterminée ou indéterminée se sont multipliés, accroissant les disparités. On oublie que la précarité est la première des inégalités. La seconde est le processus de déclassement professionnel qui touche toutes les catégories du personnel qu’il s’agisse des fonctionnaires ou des contractuels. Le déclassement professionnel se concrétise par l’embauche à des grades inférieurs de collègues aux expériences professionnelles, aux qualifications et aux diplômes supérieurs aux postes proposés.

La nouvelle réforme de 2014 a profondément touché le personnel en place et a créé de nouvelles disparités pour le personnel embauché depuis le 1er janvier 2014. Le contexte politique et économique, la faiblesse et les erreurs de la Commission, l’attitude ambivalente du PE, ont permis de contourner l’opposition résolue du personnel et de tourner le dialogue social en farce. Malheureusement, certaines idées ont nui au personnel et ont permis que soient poursuivis des objectifs très contestables. Ces idées reviennent sur la place publique aujourd’hui. Il nous faut donc en débattre de nouveau.

Une ligne politique désastreuse, un comportement dangereux pour la fonction publique européenne

La propagande de certains a clairement pour objectif de diviser le personnel, proposant de prendre aux uns afin de donner aux autres, voire d’avantager certaines catégories au détriment d’autres.

En cohérence avec cette ligne, tandis que les États membres et l’administration discutaient des contours et du contenu de la réforme, certains dirigeants syndicaux militaient auprès des représentations permanentes et de leurs États membres pour limiter la carrière des AST et des AD. Leur but était de dégager un budget permettant l’accroissement des revenus des AD en début et en milieu de carrière. Ces dirigeants n’ont pas compris que ces nouvelles mesures allaient entraver la carrière des fonctionnaires recrutés après le 1er mai 2004 bien plus que celle des plus anciens, en la limitant sérieusement. Bien entendu, le Conseil a empoché les économies budgétaires ainsi réalisées sans en faire bénéficier le personnel en début de carrière. C’est un manque tragique d’expérience politique d’avoir pensé qu’il en serait autrement.

De même, certains se sont attaqués au système de retraite de la fonction publique européenne, en affirmant, contre toute évidence, que celui-ci connaissait des problèmes. Le but recherché était là aussi d’opérer un transfert financier des retraités actuels ou prochains au profit des nouvelles générations de fonctionnaires. Le résultat est hélas connu. Les États membres se sont bien attaqués aux retraites… mais celles des jeunes générations, qui doivent désormais travailler cinq ans de plus pour avoir droit au même pourcentage de retraite. Ces retraites se baseront globalement sur des salaires plus bas, du fait de la limitation de l’accès aux fins de carrière pour laquelle ils ont œuvré. La politique conduite par certains a clairement desservi la carrière des jeunes générations qu’elle prétendait défendre.

Enfin, ils s’en sont pris aux collègues du haut de l’échelle des salaires. Ce n’est pas en s’attaquant aux plus hauts salaires qu’on augmentera les salaires inférieurs. Bien au contraire, c’est à une baisse généralisée des salaires que l’on assistera puisqu’il faudra répercuter la baisse du haut de l’échelle vers les niveaux inférieurs pour maintenir une grille de salaire cohérente.

Défendons la fonction publique dans toute sa diversité, mais aussi dans l’unité

Certains de ces syndicats prônent une approche revendicative privilégiant un lieu de travail en particulier ou une seule catégorie d’agents, voire une partie de cette catégorie, sans prendre en considération les conséquences de leurs actions pour une majorité de collègues, ou pour une autre partie de la même catégorie. Cette approche nuit bien sûr à la mobilisation, l’absence d’une démarche unificatrice aboutissant à l’établissement d’une indifférence des uns par rapport aux autres dans le meilleur des cas, quand ce n’est pas à l’opposition des uns envers les autres, comme on l’observe, hélas, souvent.

U4U considère au contraire qu’il est possible et indispensable de se battre tous ensemble : les fonctionnaires avec les contractuels, par exemple, pour réduire la précarité, ce poison de la fonction publique ; les AD et les AST ensemble pour leurs carrières et pour la mise en place d’une politique du personnel ; les nouveaux collègues et les anciens contre les disparités et pour des carrières stimulantes dès l’entrée dans les services, etc.

Non seulement U4U prône une telle approche, mais elle la pratique et il arrive qu’elle soit couronnée de succès, surtout lorsque l’on réussit à promouvoir une démarche intersyndicale sur des objectifs comme ce fut le cas, par exemple, sur le dossier des contractuels. Dans ce dossier, fonctionnaires et contractuels, syndiqués ou pas, ont uni leurs efforts au sein du Collectif des contractuels pour faire aboutir des revendications qui prenaient en compte à la fois les intérêts du personnel, des services et ceux de l’institution ; cette dernière ne peut que pâtir de l’essor de la précarité, ne serait-ce qu’à cause du « turn over ».

Les démarches revendicatives de certains sont rarement mises en relation avec l’intérêt de l’institution et la défense de la construction européenne. U4U considère que la défense du personnel est indissociable de celle de l’institution et de son rôle dans la construction européenne.

Une absence de déontologie

Quand on divise le personnel, en opposant les uns aux autres, sans prendre en considération le point de vue de l’ensemble des collègues, quand on rompt avec l’esprit de corps de la fonction publique européenne et qu’on la dénigre auprès de ses adversaires, quand on recourt systématiquement aux insultes et aux injures, fréquentes lors des réunions syndicales, alors on se distingue clairement par un manque de déontologie.

Quand on trahit l’esprit de son institution, en agissant dans son dos, comme lors des discussions de la dernière réforme, quand on cherche les grâces des pouvoirs en place en s’adressant directement aux administrations des États membres, en recommandant des mesures contre le personnel que ces derniers n’osaient même pas imaginer, alors on manque de déontologie et de professionnalisme.

Conclusion

Une démarche syndicale catégorielle ne permet pas d’élaborer des revendications unificatrices, permettant au personnel de se battre ensemble. En opposant une partie du personnel à l’autre, elle l’affaiblit et fait le jeu de ceux qui cherchent à saper sa cohésion pour mieux lui imposer des réformes démagogiques aux conséquences lourdes pour la qualité du travail et l’avenir du projet européen.

En refusant la solidarité, en attaquant certaines catégories du personnel, au lieu de blâmer la politique de certains États, les vrais responsables du nouveau Statut, on nuit aux intérêts du personnel dans sa globalité.

L’ensemble des syndicats prépare un séminaire, mi-novembre, pour réfléchir à une action commune destinée à réduire les disparités et la précarité. Formons le vœu que ce débat trouvera une conclusion positive et débouchera sur des actions communes, solidaires et efficaces.


Ce que nous proposons à la nouvelle Commission

Le président de la Commission ainsi que le PE se mobilisent pour donner un nouvel élan à la construction européenne, pour répondre aux attentes de la société européenne.

Cela ne peut se faire sans la mobilisation et la motivation du personnel des institutions. Il faut donc faire participer le personnel aux changements en cours, pour obtenir son adhésion.

Les réformes du statut de la fonction publique européenne de 2004 et 2014 ont détérioré les conditions de travail, créé des disparités, entretenu la précarité… Par ailleurs, des réformes de structure (externalisation, réorganisations, déménagements…) ont eu pour conséquence de complexifier les processus et de rendre l’exercice du métier plus difficile.

Depuis plusieurs années, U4U fait des propositions constructives pour remédier à cette situation.

A court terme

Voici des pistes de réflexion pour répondre aux problèmes immédiats tout en motivant le personnel. Dans le contexte politique et économique actuel, il n’y a pas de solution miracle. Il faut combiner un ensemble de mesures à mettre en œuvre rapidement :

  • Concours internes de reclassement pour les AD et les AST : 1000 lauréats supplémentaires aux 350 accordés l’an passé ;
  • Concours internes pour les AC et examens de reclassification pour les AC de tous grades (voir aussi l’appel du Collectif des contractuels) ;
  • Concours externes spécialisés vers les grades AD 7-9 et AST 5-7 pour donner une opportunité aux personnes hautement qualifiées et avec beaucoup d’expérience professionnelle (y compris le personnel AC en délégation ou en agences) ;
  • Utilisation maximale des possibilités offertes par la certification au lieu de la politique restrictive actuelle ;
  • Une gestion transparente d’accès aux fins de carrière ;
  • Utilisation pleine des moyens budgétaires définis par le Statut pour les promotions, y compris le report (cascade) des promotions non utilisées.

Ces mesures d’urgence sont indispensables pour redonner confiance, même si elles ne peuvent remplacer la définition d’une politique des ressources humaines solide avec des objectifs à moyen et long terme, définie après un dialogue social bien structuré.

A plus long terme

Le dialogue social doit porter sur la définition de cette politique avant de passer à la discussion des éléments plus concrets : recrutement, mobilité, intégration, etc.

Cette approche à plus long terme devrait s’appuyer sur les éléments suivants :

  • Mise en place d’une politique de gestion active des ressources humaines, de détection des talents, de suivi des carrières.
  • Le classement à l’entrée du service doit davantage tenir compte de l’expérience professionnelle et être harmonisé dans l’ensemble des services et institutions ;
  • Les possibilités de promotion et de mobilité doivent s’inscrire dans une démarche d’accroissement de la motivation du personnel et de sa compétence. Cette mobilité doit être interinstitutionnelle, entre offices et agences, de et vers les services centraux des institutions. Pour faciliter la mobilité, il importe de tenir compte dans la suite de la carrière de l’ancienneté acquise dans les différents services ;
  • Une nouvelle politique de gestion des ressources humaines devrait permettre une gestion moins précaire du personnel contractuel. Les collègues doivent accéder à des carrières à durée déterminée et/ou indéterminée dans les services centraux ou périphériques, suite à une sélection unique, commune à toutes les catégories de contractuels ;
  • L’organisation d’un marché de l’emploi interinstitutionnel, passant par la publication des postes, doit garantir la transparence et la fluidité des recrutements.
  • Une véritable politique de formation tant à l’entrée en service que tout au long de la carrière doit être mise en place.

Comment remédier aux difficultés rencontrées par la représentation du personnel ?

10 thèses pour avancer !

La représentation du personnel est en crise

Cette crise est multiforme. Il est difficile donc d’en rendre compte de manière complète. On ne peut que soulever les premières questions et fournir un début de réponse.

Les réponses et les actions ne peuvent être que collectives. Le débat d’abord interne aux syndicats doit s’élargir à tout le personnel, car en définitive, c’est l’ensemble du personnel qui est concerné par les acteurs de sa défense professionnelle collective.

L’objet de ce papier est d’initier le débat pour approfondir réflexions et lignes d’action. Nous suggérons 10 thèses, identifiant autant de problèmes à résoudre. Cela peut paraître encore sommaire, mais il faut bien commencer quelque part.

  1. Le contexte politique de l’activité syndicale dans les institutions est mauvais. La construction européenne est en panne et va même dans la mauvaise direction dans certains domaines. L’UE ne paraît plus aussi utile aux citoyens pour fournir des réponses aux problèmes de l’heure. Le fonctionnement des institutions, leur rôle, en pâtit. L’action collective est de ce fait moins aisée.
  2. Les difficultés de la représentation du personnel sont liées également à son isolement politique. Les syndicats ne disposent ni de relais politiques ni de connections opérationnelles avec les syndicats européens. Deux syndicats, dont U4U, disposent de tels relais syndicaux européens. Mais l’efficacité programmatique et opérationnelle qui pourrait en découler devrait être améliorée, pour U4U comme pour l’autre syndicat.
  3. Il s’agit ensuite d’un déficit programmatique, de projet et de méthode. Les syndicats de la fonction publique ne sont pas suffisamment proactifs. U4U essaye de combler ce vide, en promouvant un corpus théorique grâce à ses publications et en améliorant la pratique syndicale, celle de la proximité et d’une force de propositions constructives. Mais U4U doit encore s’améliorer et surtout entraîner plus efficacement dans cette voie l’ensemble de la représentation du personnel.
  4. Vient ensuite la question de la faiblesse relative de la formation et de l’expérience du personnel syndical, y compris l’expérience pratique. En outre, les syndicats ne disposent que de très peu d’expertise extérieure indépendante, contrairement à ce qui se pratique dans les États membres où l’employeur y contribue financièrement.
  • Obtenir des moyens d’une expertise extérieure indépendante.
  • Obtenir des moyens suffisants pour assurer la formation des représentants du personnel.
    • La faiblesse des moyens accordés par l’institution à la représentation du personnel : à peine 44 exemptions de service pour 13 organisations syndicales représentant 35.000 collègues présents dans plus de 150 pays de l’Union et Hors Union et animant 8 comités du personnel, en plus du Comité central. Ces moyens sont mis à disposition des appareils centraux de la représentation syndicale et statutaire du personnel. Rien n’est fourni au niveau des DGs alors que certaines sont composées de plus de 2.000 personnes réparties en au moins trois sites.
  • Obtenir 70 exemptions, dont 10 au niveau des grandes DG et 20 au niveau syndical.
    • Ailleurs, comme à Séville, on ne dispose même pas de comité du personnel. Les représentants du personnel en Agences d’exécution ne disposent pas d’exemptions. La représentation des Agences n’est pas assurée au Comité central de la Commission, ce qui accroît son isolement, alors que le personnel se voit appliquer des règles décidées au niveau de la Commission. Enfin, les moyens humains, matériels mis à la disposition du personnel Hors Union (HU), dispersé dans plus de 140 pays, sont très nettement insuffisants et ce personnel est sous-représenté au Comité central du Personnel.
  • Créer un comité du personnel à Séville.
  • Renforcer le comité du personnel hors Union.
  • Intégrer les comités du personnel des agences dans le comité central du personnel de la Commission.
    • La crise que connaît aujourd’hui la représentation du personnel est imputable aussi à notre employeur. Celui-ci conduit un dialogue social à la hussarde (en ne créant pas les conditions d’une consultation effective), privilégie trop la méthode top-down, et enfin ne recherche aucune implication du personnel dans la conduite du changement, etc…
  • Obtenir des règles pour un dialogue social plus sincère et plus efficace.
    • La crise se nourrit aussi de la dispersion des forces syndicales ( plus de 10 organisations à la Commission : US, R&D, Conf. SFE, U4U/USHU, FFPE, TAO, SE Bruxelles, SE Luxembourg, AD Luxembourg, SID, G-04, SFIE…). Cela nourrit une certaine cacophonie. Il est nécessaire de favoriser progressivement une recomposition syndicale qui passe aussi par son regroupement.
  • Élever le seuil de la représentativité au niveau local de 5 à 7%.
  • Élever le seuil de représentativité au niveau central de 6 à 9%.
    • L’organisation d’élections au niveau local tous les ans favorise l’exacerbation de la concurrence entre syndicats et pose de nombreux problèmes. Ainsi la formation du bureau du CLP Bruxelles a pris 5 mois, au prix de présidences tournantes (3 en trois ans). Celui du CCP n’est toujours pas constitué, à cause de problèmes à Bruxelles, puis à Ispra, puis au Luxembourg, puis dans le HU. Il sera peut-être enfin formé fin novembre à Ispra, suite à l’élection du comité local de Luxembourg, et encore pas complètement puisque des problèmes subsistent dans le HU.
  • Tenir les élections aux comités du personnel, toutes en même temps,

Marquer contre son camp

Lettre de G2004 proposant de nouvelles mesures d’économies au détriment du personnel, à l’occasion de la réforme du statut (Mai 2013)

Réforme du Statut : lettre de U4U à Génération 2004 concernant la lettre que ces derniers ont envoyée en novembre 2012 aux représentants permanents. U4U regrette des prises de position qui donnent des armes au Conseil contre la fonction publique européenne.
Lettre de R&D du 22 Fév 2013 commentant cette même lettre.

Lettre ouverte envoyée le 14 janvier 2013 par STEFAN GRECH (élu au CLP Bruxelles pour G-2004) au Premier ministre maltais et au chef de l’opposition (Malte est actuellement en campagne électorale). Cette lettre a été envoyée en copie aux rédacteurs en chef des principaux journaux de Malte, à tous les députés européens maltais, au représentant permanent de Malte auprès de l’UE ainsi qu’à tous les fonctionnaires maltais au sein des institutions.


Derrière l’austérité, des hommes

La politique d’austérité drastique en Grèce a son martyr. Dimitris Christoulas s’est tiré une balle dans la tête sur la place centrale d’Athènes. Dans sa lettre d’adieu, il dit : « Le gouvernement … a réduit littéralement à néant mes possibilités de survie, qui étaient fondées sur une retraite honorable pour laquelle j’ai payé (toute ma vie)… Je ne trouve pas d’autre solution qu’une fin digne, avant que je ne commence à chercher dans les poubelles pour me nourrir. Je pense qu’un jour les jeunes sans avenir prendront les armes et qu’ils pendront les traîtres sur la place Syntagma, comme les Italiens ont fait avec Mussolini en 1945. » Si ce suicide a ému toute la Grèce, c’est qu’il est le symbole d’une augmentation de 45% des suicides en un an.

Quand les politiques économiques préfèrent paupériser tout un pays plutôt que de réorganiser la finance qui est à l’origine de la crise, elles cessent d’être légitimes. L’État devient un Moloch qui dévore ses citoyens. Il est grand temps de se souvenir qu’un État démocratique est un instrument au service du peuple, que les politiques nationales de rigueur doivent être contrebalancées par des actions de relance au niveau communautaire pour préparer l’avenir et donner de l’espoir, avant que l’appel aux armes de Christoulas ne trouve un écho. Or ce risque existe : une manifestation devant le siège de la Banque Européenne à Francfort a tourné à l’émeute le 31 mars, et ce n’est pas la seule fois que des violences ont lieu durant de récentes protestations.


Tentations autoritaires en Europe? Please, Europe, come back!

La crise économique actuelle est parfois comparée à la crise de 1929. Dans les années qui ont suivi cette crise, la démocratie a été mise à mal au profit de mouvements autoritaires. Et les mouvements autoritaires font toujours leur lit sur la désespérance de ceux dont l’avenir s’assombrit.

S’il y a une leçon à tirer du passé, c’est que ceux qui ont accepté de sacrifier la démocratie en pensant lutter contre la corruption, pour redresser l’économie et pour garantir l’ordre, n’ont eu que davantage de corruption, une économie de guerre et pour finir le désordre absolu de la guerre et ses ravages.

Un régime autoritaire ne garantit nullement un État efficace. Par contre, il supprime la possibilité de le critiquer et de le faire évoluer autrement que par des crises soudaines et forcément sanglantes. Les événements actuels du printemps arabe sont là pour le rappeler.

Les tentations autoritaires se font jour en Europe. La Hongrie, membre de l’Union européenne, est un cas emblématique qui devrait sérieusement inquiéter ceux qui pensent que nos États sont immunisés contre les maladies du passé.

En Hongrie, un parti venu au pouvoir démocratiquement comme d’autres dans les années 30, pervertit la démocratie. Il muselle les médias, criminalise l’opposition au nom du passé communiste, met au pas tous les organismes de contre-pouvoir (banque centrale, cour constitutionnelle…). Parallèlement, il implante des mécanismes qui rendront toute alternance démocratique virtuellement impossible ainsi que tout changement de politique économique.

Ce paquet de mesures s’accompagne du plus que douteux rétablissement de l’ordre moral (mesures contre les homosexuels, contre l’avortement…) ainsi que de décisions dangereuses comme celle visant à reconnaître la nationalité hongroise aux minorités hongroises dans d’autres pays. Ce révisionnisme de l’Histoire, cet irrédentisme hongrois, sont lourds de conséquences pour les voisins et donc, pour l’Union toute entière.

Le tout s’organise aux accents d’une musique trop bien connue : chauvinisme, représailles, valeurs mythiques comme la « pureté de la nation » ou la « sacralité de la terre, bénédiction divine sur la nation », bien pratique pour faire oublier que déjà le bilan économique est catastrophique.

Finalement, la Commission a « courageusement » annoncé le 17 janvier qu’elle lancerait une procédure d’infraction contre la Hongrie pour « contravention à l’indépendance de sa banque centrale, atteinte à la protection des données et à l’indépendance du système judiciaire ».

C’est le moins qu’elle pouvait faire, et nous approuvons la déclaration de Jose Manuel Barroso au Parlement européen qui « appelle instamment les autorités hongroises à respecter les principes de démocratie et de liberté et à les mettre en œuvre en pratique dans ce pays ». Mais c’est trop peu devant la menace que ce gouvernement représente pour les valeurs européennes auxquelles son pays a adhéré en décidant d’entrer dans l’Union. Quel dommage de ne s’émouvoir vraiment que devant la perte d’indépendance de leur banque centrale… Quelle occasion ratée (encore!) pour l’Europe de montrer avec la force et la conviction nécessaires qu’elle est guidée par une grande vision de la démocratie.

La Hongrie n’est pas la seule à flirter avec le chauvinisme le plus revanchard ! Le repli identitaire, souvent camouflé en euroscepticisme, monte un peu partout, ainsi que le retour aux vieilles recettes des années 30.

L’Histoire nous enseigne qu’on ne peut transiger avec l’autoritarisme : il est impérieux de lui apporter une réponse politique rapide et forte, en commençant par donner une réponse économique qui redonne espoir aux peuples.

L’impuissance de nos gouvernants incapables de raisonner « Europe », l’affaiblissant de facto, accentuant son déficit de gouvernance, nourrissant sa crise constitutionnelle permanente et hélas, son entêtement à prôner des mesures économiques inefficaces, contribue à affoler les citoyens et à les pousser à rechercher des solutions simplistes chez les démagogues.

Il devient urgent de trouver une réponse européenne à la crise, de se souvenir de nos devoirs réciproques de solidarité, engagement auxquels tous les membres de l’Union ont souscrit. La solidarité est une valeur structurante de la construction européenne. Les fondateurs savaient trop bien que la barbarie se nourrit surtout de son absence.

U4U ne peut pas rester silencieux face à ces dérives que l’on observe un peu partout dans nos États membres. U4U sera toujours là pour rappeler les valeurs européennes, ciment de nos sociétés, base du projet européen auquel nous œuvrons. U4U sera toujours là pour rappeler à nos gouvernants et à la Commission que ces valeurs, il est de notre devoir de les défendre et de les porter haut.

Ces valeurs ne sont pas seulement à protéger au nom du passé et par crainte de sa résurgence. Ces valeurs sont à promouvoir au nom du présent et de l’avenir, du nouveau paysage géopolitique, de l’état de la planète, des défis mondiaux que nous avons à affronter, ensemble.

Nous avons besoin d’une Europe qui fonctionne de manière solidaire et au service de tous. Nous ne voulons pas d’une Europe fondée sur le rapport de force permanent inhérent à la méthode intergouvernementale. L’intergouvernemental creuse les inégalités, n’a cessé de montrer ses limites et son inefficacité, et provoquera l’effacement de l’Europe et la disparition de ses valeurs.

C’est donc ensemble que nous devons recréer les conditions d’un progrès partagé. Ainsi chacun de nos États membres retrouvera son dynamisme dans une Europe de nouveau porteuse de l’intérêt commun.

1 Cf. dépêches d’agences Reuters, AFP, Le Monde.


Une plateforme pour une Europe solidaire a été lancée à la suite de ces initiatives.

La solidarité, au cœur du renouveau du projet européen

Le texte ci-après écrit suite à la réunion du Bureau de U4U du lundi 24 janvier 2011, faisant suite à une réunion de travail initiée par R&D, sera présenté par U4U à une réunion intersyndicale pour tenter une prise en charge de cette initiative citoyenne de la manière la plus ouverte et la plus unitaire possible, base indispensable à sa réussite.

Une telle initiative est nécessaire pour à la fois faire face aux difficultés connues aujourd’hui par la construction européenne mais aussi pour défendre une fonction publique forte, compétente, permanente et indépendante à un moment où des tentatives convergentes de nature intergouvernementale se font pressantes pour l’affaiblir.

Elle est aussi nécessaire pour donner au personnel des raisons qui accroissent la fierté de sa condition et de sa mission.

Dès l’origine, la solidarité a été voulue et conçue comme le cœur et le moteur de la construction européenne. Non par idéalisme béat ou pour faire primer le marché sur la citoyenneté, mais par nécessité.

Une nécessité d’abord pour réconcilier des nations et des peuples qui s’étaient fait si longtemps la guerre. Une nécessité qui s’impose désormais, ou plutôt devrait s’imposer, pour faire face ensemble à des défis et à de nouveaux acteurs internationaux, à l’égard desquels aucun pays européen n’est à l’échelle des solutions à imaginer et des décisions à prendre.

Comment assurer la préservation du modèle social européen où liberté, solidarités collectives et progrès social se conjuguent dans un équilibre fragile, alors que « l’Occident rétrécit » et qu’il est confronté à la raréfaction des ressources, à une compétition acharnée pour l’accès à ces mêmes ressources, aux nécessaires redéploiements économiques qu’imposent à la fois la mondialisation et le développement durable, à un vieillissement accéléré de sa population enfin – en particulier en Europe ? Comment, en effet, sinon par des actions conduites au niveau du continent européen, de plus en plus réduit à sa dimension de péninsule de l’Eurasie ?

Au moment où l’exigence de solidarité se fait de plus en plus pressante, celle-ci est remise en cause par deux développements simultanés : la crise économique internationale et sa transformation en crise de l’euro, d’une part, la mise en place de la mécanique intergouvernementale issue du Traité de Lisbonne, d’autre part.

A travers la crise financière internationale et à travers la crise de l’euro qui en a résulté, la crise économique a un double effet délétère sur les solidarités qui se sont esquissées, et parfois développées, dans la gestion collective des interdépendances entre pays et peuples européens.

La crise du système financier international condamne l’Europe à plusieurs années d’austérité, auxquelles son modèle social de solidarités collectives pourrait ne pas survivre. Une austérité qui a un coût immédiat : les 750 milliards € que les classes politiques européennes ont prélevé sur le pouvoir d’achat des populations, pour s’acheter du temps auprès des spéculateurs, anglo-saxons pour la plupart. Un coût permanent ensuite, avec le démantèlement programmé de ce patrimoine commun de tous les citoyens européens que constituent les services publics et les mécanismes de solidarité sociale, un démantèlement assorti d’une baisse durable et régulière du pouvoir d’achat des seules classes moyennes et populaires. L’appauvrissement durable et généralisé qui en résulte est présenté comme la clé du maintien de la compétitivité des économies européennes. Une présentation pour le moins partielle, puisqu’elle vise surtout à masquer l’incompatibilité entre le montant des engagements financiers des gouvernements européens auprès des « marchés financiers » et les valeurs européennes exprimées dans les Traités européens successifs : dignité humaine, démocratie, liberté, égalité

La crise de l’euro quant à elle accroît les risques de « démantèlement » de l’Union européenne car elle s’accompagne d’un retour en force des égoïsmes nationaux. Depuis 2008 en effet, ce sont les États qui ont fait leur grand retour après avoir sauvé les banques et… leurs voisins. Sous la pression de mouvements populistes qui naissent et prospèrent toujours en temps de crise, les gouvernements privilégient les seuls intérêts nationaux aux dépens des intérêts communs européens, et se laissent de plus en plus souvent aller à des réflexes souverainistes : cette tentation du « cavalier seul » repose autant sur l’excès de confiance en ses propres forces que sur la méf

iance envers celles des autres. Cette attitude de repli s’accompagne de plus en plus souvent de critiques, sinon de remise en cause, des Institutions qui sont à la fois expression et promotion du projet européen et des intérêts communs dont celui-ci est porteur. Ainsi, certains États membres ont régulièrement pris pour cible la Banque Centrale européenne, alors que cette dernière a pourtant su mettre son indépendance au service de tous pour gérer la crise… D’autres s’en prennent à la Commission, qui pourtant n’a fait que timidement rappeler l’importance d’un dispositif permanent de gestion de crise. Dès lors, même dans le domaine économique et monétaire qui est au cœur du projet européen, l’Europe fonctionne sur un mode intergouvernemental : rapport de forces et pilotage à vue conduisent rarement à l’efficacité et à la solidarité durables. Les États membres les plus efficaces ont cependant réalisé que l’euro était aussi « leur » monnaie : avec la mise en place d’un dispositif permanent de prévention et de gestion de crise, ils ont su se montrer solidaires tout en imposant leur « culture de la stabilité ».

Par son impact sur l’existence même de l’euro, la crise est en train de bouleverser les règles du jeu européen. Les dix-sept membres de l’eurozone, ainsi que leurs voisins au sein de l’Union européenne qui s’inquiètent du sort de la monnaie européenne, ont enfin compris combien l’existence de l’euro était déterminante pour la stabilité individuelle et collective. Tous acceptent désormais de trouver une parade collective durable en musclant les mécanismes de discipline budgétaire et de concertation économique. Même si l’on est encore loin de la fédération budgétaire à laquelle appelle le président de la BCE, une nouvelle Europe est en train de naître. Deux questions restent en suspens : l’édifice, construit sur la base des rapports de forces qu’impose le mode intergouvernemental, sera-t-il durable ? L’absence évidente « d’esprit européen » permettra-t-elle à cet édifice de remplir sa mission ?

Il serait illusoire de trouver une réponse à ces interrogations avec la mise en place de la mécanique intergouvernementale issue du Traité de Lisbonne. Cette mécanique va en effet à rebours des évolutions du monde vers davantage de mondialisation économique et de multipolarité politique.

Alors même que ces évolutions exigeraient encore plus de solidarité dans la définition et dans l’affirmation d’intérêts communs sur la scène internationale, ce Traité renverse la tendance qui a prévalu dans tous les Traités européens depuis le Traité de Rome : une convergence de l’intergouvernemental aléatoire et construit sur le rapport de forces vers le communautaire structurellement construit autour de la recherche de l’intérêt commun. Avec Lisbonne, s’exprime la remise en cause du principe « d’union sans cesse plus étroite ». Avec Lisbonne, s’organise le détricotage des solidarités communautaires au profit d’un intergouvernementalisme mou mais désormais structuré. L’établissement du Service d’Action Extérieure Européen illustre cette volonté de dilution des solidarités : ce vrai-faux progrès prend la forme d’une sorte de Congrès-de-Vienne-permanent rassemblant, à travers un conglomérat de diplomates nationaux, des volontés communes de plus en plus incertaines et des velléités individuelles de plus en plus affirmées.

Le Parlement européen demeure désormais le principal, sinon le seul, dépositaire de la démarche communautaire. La Fonction Publique européenne, encore indépendante malgré les coups de boutoirs portés par « la réforme Kinnock », reste l’outil efficace au service de l’intérêt commun.

Cependant, le premier est de plus en plus sensible aux ukases des capitales nationales, puisqu’il ne peut s’appuyer sur des partis européens transnationaux assurant son indépendance. La seconde, car elle est désormais confrontée à une perspective de remise au pas par des moyens divers : marginalisation via une augmentation et une pérennisation de personnels contractuels, remise en cause des conditions statutaires et matérielles de cette indépendance, etc…

Est-il trop tard pour enrayer ce détricotage engagé depuis 2004, préparé depuis le milieu des années 90 ? Est-il encore possible de restaurer cet « esprit européen » fondé sur la solidarité, sur une vision partagée, sur la cohésion économique et sociale, sur l’intérêt commun ?

Pour apporter à cette double interrogation une autre réponse que celle du fatalisme identitaire et du repli souverainiste que porte l’inter-gouvernementalisme, les soussignés lancent un Appel à une remobilisation collective de tous les porteurs de solidarités en Europe…

  • Pour que l’Union redevienne, non pas une coalition des États, mais un rassemblement des Peuples.
  • Pour que les « peuples d’Europe » soient effectivement appelés par leurs gouvernements à une union sans cesse plus étroite dans le respect des compétences déléguées par les gouvernements nationaux aux institutions de l’Union (art.1 du TUE), et pour que les « citoyens de l’Union » soient effectivement représentés au Parlement dans l’élaboration des politiques européennes (art. 14 TUE).
  • Pour que les nomenklaturas et oligarchies nationales arrêtent d’entraver la constitution de partis politiques européens, permettant enfin à ceux-ci de contribuer à la formation de la conscience politique et à l’expression de la volonté des citoyens de l’Union (art.10 du TUE)
  • Pour que les choix résultant de l’expression renouvelée de cette légitimité démocratique soient garantis par une Fonction Publique Européenne indépendante de tous les groupes de pression nationaux et groupes d’intérêt sectoriels, et donc porteuse elle aussi de l’intérêt commun.
  • Pour que le nécessaire rétablissement de la compétitivité économique européenne s’accompagne de l’organisation d’un débat, au niveau européen, avec l’ensemble des citoyens européens sur les voies et moyens de reconstruire un modèle de cohésion sociale.
  • Pour que l’Union dispose effectivement de la masse critique requise à la fois pour défendre les intérêts communs de ses citoyens sur la scène internationale et pour peser dans l’élaboration de solutions solidaires et équitables au titre de nouvelles règles de gouvernance globale.