L’Europe et ses institutions face à ses défis

12 propositions pour le débat
L’Union européenne traverse un moment critique. Cela concerne aussi au premier chef sa fonction publique.
Nous observons d’abord une montée des tensions aussi bien politiques qu’économiques ou militaires entre les principaux blocs géopolitiques. Une telle configuration nous menace tous dans le cadre de l’économie mondialisée.
Ces tensions sortent du cadre institutionnel précédemment établi pour réguler les différentes dimensions de la mondialisation, et cela laisse la place à une brutalisation des relations internationales. Cette évolution est contraire au paradigme qui a sous tendu l’Union européenne.
S’y ajoute la multiplication des conflits armés, ouverts ou non, à l’est de l’Europe mais aussi au Proche-Orient, en Mer de Chine, en Asie du Sud-Est et en Afrique centrale. Ces conflits, expression de la rivalité entre blocs, ravivent la course aux armements et relèguent, dans le contexte budgétaire actuel, au second plan le financement des besoins sociaux ou ceux liés à la lutte contre le changement climatique et la transition vers une économie verte
La montée des forces obscurantistes, d’extrême droite souvent à connotation théocratique, et anti-européenne, n’épargne pas l’Union européenne, même si pour l’instant elle est préservée de ses formes les plus extrêmes.
Le débat public lui-même devient bloqué, illisible, les différentes positions se nourrissant de vérités alternatives, de certitude assenée et de fake news. Ce n’est plus seulement le fait de forces politiques marginales. Une partie des élites établies, soutenues par de puissantes forces économiques, en viennent aussi, de plus en plus souvent à remettre en cause les règles du débat public.
C’est dans ce contexte que se déroulent aujourd’hui les débats relatifs au futur plan de financement de l’Union européenne. La Commission a contribué à la rédaction de rapports, tel le rapport Draghi qui indique une voie réaliste et réfléchie qui pourrait être suivie. Toutefois, elle n’a pas jugé disposer de la puissance politique requise et du soutien minimum des partis politiques européens pour les intégrer totalement dans ses propositions budgétaires.
On le sait, la Commission a proposé un budget de 2.000 milliards d’euros, en fait 1.750 milliards en volume, ce qui correspond au montant de la période en cours, si l’on additionne la dotation budgétaire du plan de relance au montant du budget actuel.
Pour le dire simplement ces 2.000 milliards d’euros ont l’apparence d’un accroissement mais ils traduisent en fait une stagnation budgétaire. Comment alors dès lors financer par exemple l’effort de défense, ou commencer à rembourser les sommes empruntées pour le précédent plan de relance ? Comment maintenir voire accroître les actions entreprises contre le changement climatique ?
Il est de surcroît à craindre que ce budget subisse des coupes de la part des États membres, les premières réactions n’étant pas très encourageantes.
Ce budget, en l’absence de ressources propres de l’Union, ne pourra donc pas nous permettre de faire face aux besoins nouveaux de l’Union européenne. Cette faiblesse ne peut que nourrir les critiques qui déconsidèrent le projet européen et qui donnent la fausse conviction que l’UE impuissante n’est pas le bon cadre pour réagir à ce qui nous menace.
Pour l’instant la réforme du statut n’est pas à l’ordre du jour mais les contraintes budgétaires qui pourraient nous être imposées risquent à terme de nous y conduire d’une façon ou d’une autre. Sans compter qu’à statut constant, de nombreuses mesures régressives pour le personnel pourraient déjà être imposées.
Alors que le personnel a du mal à se faire entendre à ce sujet, nous voulons clairement réaffirmer que le groupe à haut niveau qui doit réfléchir à l’évolution du fonctionnement de la fonction publique européenne doit d’abord identifier les vrais défis et développer une compréhension claire et complète des missions de la fonction publique.
Certes, le groupe doit aborder la question des carrières et de leur gestion, du recrutement, de la gestion du personnel, de la mise en place des modes flexibles et « agiles » de travail, d’une gestion fluide des ressources, de l’utilisation de l’Intelligence artificielle (IA), etc… Tout ceci doit être un moyen dans un cadre budgétaire limité de prendre en charge les nouvelles missions des Institutions et de faire de l’UE un acteur pertinent pour protéger les citoyens et leur modèle de société basé sur la solidarité, à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur des frontières de l’Union, autant que sur la productivité.
En vérité, l’Union européenne représente probablement la réponse la plus efficace qui puisse être proposée face à la dérive du monde et dans le contexte actuel. Nous ne pouvons compter que sur nos forces pour assurer notre mission. Pour ce faire, l’institution ne peut compter que sur son personnel pour mieux faire.
Cette réflexion, le groupe à haut niveau semble vouloir la mener sans vraiment organiser l’apport de son personnel et de sa représentation, si ce n’est sous la forme de simples sessions d’information. Cela constitue une erreur. L’implication du personnel dans cette réflexion est essentielle pour y apporter son expertise. U4U avec les autres syndicats militent en ce sens. Il n’est pas trop tard pour bien faire.
Pour ce faire, ceci doit s’accompagner de propositions. U4U a pour l’instant identifié plusieurs propositions regroupés en 12 thèmes, pour en débattre avec le personnel, en intersyndicale et dans le cadre du groupe à haut niveau. Nos idées peuvent être appliquées sans délai car elles ne se situent pas dans une perspective de modification du statut de la fonction publique européenne, contre laquelle nous sommes opposés résolument, dans le contexte politique et budgétaire actuel.
1. Les institutions européennes fonctionnent avec un ensemble disparate de types de contrats de travail. Les fonctionnaires, les agents temporaires et les agents contractuels exercent actuellement des tâches identiques ou similaires avec le même niveau de responsabilité. L’émergence de ces nombreux types de contrats de travail est le résultat de processus de réforme au fil des ans. On pourrait conduire une réflexion pour déterminer s’il serait utile de lier un type de poste à un type spécifique de relation de travail. Par exemple, les décideurs, les agents chargés de l’application de la loi, les enquêteurs, les gardes-frontières et les diplomates devraient être des fonctionnaires, recrutés pour un poste à vie etc. Les experts qui aident l’UE à répondre à des besoins temporaires pourraient avoir un contrat de travail ou être détachés par l’administration nationale. Le choix du type de relation de travail pour une fonction donnée ne doit pas dépendre de la situation budgétaire d’une administration spécifique, mais être décidé de manière centralisée et de la même manière pour toutes les institutions et agences. Cependant, des passerelles devraient être mises en place pour assurer une intégration d’une partie des personnels contractuels et temporaires.
2. Il en découle aussi le deuxième défi qui porte sur l’amélioration et la diversification du processus de recrutement. Nos efforts pour accélérer et moderniser le processus de recrutement via des concours généraux doit continuer. Mais nous ne pouvons pas recruter uniquement par voie de concours externes. En même temps, en fonction des compétences et des postes disponibles, nous devons diversifier et actualiser les recrutements et les rendre plus modernes. L’institution ne prête pas assez d’attention aux attentes des personnes recrutées, dont les besoins ne sont pas pris suffisamment en compte. Ainsi, une partie de la force humaine disponible, souvent la plus qualifiée, n’est pas attirée par l’emploi pouvant être proposé par l’institution. De même, la valeur du travail dans la fonction publique européenne, son sens et les carrières ne sont pas suffisamment valorisés, en amont du recrutement.
3. Le troisième défi concerne l’accueil au sein des services, une fois le personnel recruté. Une simple procédure contraignante n’est pas suffisante. Il est crucial de former en profondeur ce dernier, en particulier si l’on souhaite qu’il soit mobile et agile, durant les deux premières années, y compris dans la culture de l’institution dont il faut partager les valeurs européennes et démocratiques. Des circuits professionnels, par exemple, dans deux ou trois différents services, doivent rendre davantage compte de ce que nous sommes et de la manière dont on travaille.
4. Il faut donner la priorité au travail en mode horizontal. Il faut être en mesure de collaborer entre services (en interservices) avant la prise de décision, et non pas à la fin du processus. Pour que les questions soient envisagées dans leur complexité multidimensionnelle, il est indispensable de posséder les compétences requises pour les traiter. On doit pouvoir évoluer vers des structures administratives moins verticales d’un point de vue thématique. Nous devons passer d’une méthodologie de consultation interservices à un travail stratégique en “grappe” (clusters). Cette unification stratégique de la planification et de la mise en œuvre doit aussi traduire la façon dont est organisé le travail du Collège.
5. Il nous paraît nécessaire de réduire la multiplication des niveaux hiérarchiques. La motivation au travail doit se fonder sur l’intérêt du travail à accomplir. Le plein emploi des compétences doit constituer la base de la motivation au travail et non pas la recherche de positions hiérarchiques, comme aujourd’hui.
6. Le sixième défi repose sur la gestion du personnel précaire, qui est essentiel pour le bon fonctionnement des services y compris pour des raisons économiques. La précarité doit être maîtrisée. Dans la mesure où elle subsiste, elle doit être mieux gérée. Les concours internes doivent être conformes à la politique relative aux types de postes.
On doit cependant ménager des évolutions professionnelles. Ainsi, les contrats doivent être possibles sur des périodes plus longues, par exemple 12 ans, en faisant succéder contrats d’agents contractuels et d’agents temporaires. La tenue régulière de concours internes pour la titularisation doit être assurée, car la fonction publique permanente doit toujours constituer l’horizon de la fonction publique européenne. À défaut, on ne pourra pas assurer l’intégration complète du personnel contractuel et temporaire ; tandis qu’au terme des 12 ans, on pourra garantir au plus grand nombre le bénéfice de la retraite communautaire.
7. L’intégration de l’IA devrait être davantage discutée comme un outil destiné tout d’abord à remplacer des tâches d’exécution basique, telles les demandes de remboursement des frais médicaux, ou encore le décompte des frais de mission ; mais également pour servir de support au personnel afin d’améliorer ses compétences et l’efficacité de son travail. Son introduction doit être soumis à un processus de suivi et d’évaluation chemin faisant. De même, cet outil doit être accompagné par des mesures de formations et de mobilité destinés au personnel concerné par son utilisation.
8. La montée du télétravail et de l’intelligence artificielle met en exergue l’importance du travail collaboratif et d’équipe qui doivent être maintenus, l’intelligence collective représentant la force de l’institution.
9. Un fonctionnement basé sur la confiance doit être davantage favorisé, l’objectif étant de mieux définir et atteindre les objectifs de l’institution.
10. La mobilité doit respecter les compétences des personnes recrutées pour leur expertise technique. Tout le monde ne s’épanouit pas dans le management pur. La richesse de l’institution est aussi faite de la compétence pointue de certains experts qui doivent pouvoir évoluer également dans leur domaine de compétence. Les mobilités doivent être planifiées, préparées et accompagnées des formations nécessaires à leur bon accomplissement.
11. Une réflexion approfondie doit concerner le personnel des agences d’exécution et des agences décentralisées. Des services communs doivent être mis en place gérés par la Commission, telle la médiation, la lutte contre le harcèlement, la conduite des procédures disciplinaires. Des mobilités doivent être organisées non seulement entre agences mais aussi avec les institutions. Une partie du personnel employé doit être composé de fonctionnaires. Des procédures internes doivent organiser les évolutions des carrières. La présence syndicale et le dialogue social doivent être organisés de manière plus complète et professionnelle.
12. De manière générale, des politiques du personnel visant à permettre les progressions des carrières et des savoirs faire doivent constituer la règle. Des passerelles doivent être mises en place pour permettre au personnel de progresser dans ses carrières et les savoirs faire. On ne peut faire fonctionner des services composés par des personnes « immobiles ».
Les propositions ci-dessus devraient nous permettre d’entamer un dialogue éclairé. Ce dialogue doit viser à rendre notre administration plus efficace face aux défis mondiaux auxquels nous sommes actuellement confrontés. Nous devons donner à notre administration européenne le pouvoir de s’exprimer avec le sérieux et l’expertise qui correspondent au poids économique et moral que l’UE et l’équipe Europe représentent sur la scène mondiale. Les considérations budgétaires ne constituent qu’une partie, il est vrai très importante, de ce futur débat.
Groupe à haut niveau de Catherine Day
Les objectifs réels de ce groupe doivent être éclaircis
L’intersyndicale a réagi à la publication d’un entretien avec Catherine Day à Euroactiv dans lequel elle semblait préconiser la promotion d’un personnel uniquement temporaire. Ces inquiétudes, peut-être prématurées, voire injustifiées, se manifestent dans un contexte où l’annonce de ce groupe s’est faite sans aucun dialogue préalable avec la représentation du personnel et sans aucune garantie de son implication par la suite. La mise en avant de ce groupe s’est en outre faite en référence à un travail comparable fait il y a 25 ans, avant la réforme de 2004 suivie de celle de 2014. L’Intersyndicale et le Comité du personnel (CCP) ont envoyé plusieurs courriers pour demander l’inclusion active des représentants du personnel et la garantie que les résultats du groupe à haut niveau ne serviront pas de base à une nouvelle réforme du statut . L’Administration refuse cette inclusion dans les Groupes de travail mais promet de consulter les représentants du personnel à chacune des étapes. Voir les divers courriers échangés ci-dessous.

Note À l’ATTENTION de A. Katsogiannis, PRÉSIDENT
DU COMITÉ CENTRAL DU PERSONNEL
&
M. Sebastiani, M. Trujillo Herrera, Mme Valkova, M. Mavraganis, M. Vlandas et
Mme Conefrey,
PRÉSIDENTS DES SYNDICATS REPRÉSENTATIFS ET DES ASSOCIATIONS DU PERSONNEL
Objet : Réponse à votre note : Révision à grande échelle – Participation du Comité central du personnel / Syndicats
Par note du 20 novembre 2025, vous avez attiré mon attention sur la demande du Comité central du personnel (CCP) et des syndicats représentatifs de participer plus activement à la révision à grande échelle (RGE).
Lors de la réunion du personnel du 21 novembre, le commissaire Serafin a souligné l’importance qu’il attache à la représentation du personnel et a exprimé sa reconnaissance pour le rôle constructif joué par les représentants élus dans la vie de l’institution. Il a également réaffirmé son engagement à maintenir un dialogue ouvert, continu et basé sur la confiance, et a confirmé son intention de rencontrer les représentants du personnel au début de l’année prochaine, ce qui sera l’occasion pour vous de partager votre contribution initiale à l’un ou l’autre, ou à l’ensemble, des chantiers de la révision à grande échelle.
Dans le même esprit, la DG RH a déjà défini un cadre pratique et constructif pour la participation du CSC à la phase de réflexion : l’invitation à soumettre des contributions écrites sur l’un ou l’autre ou sur l’ensemble des volets de travail et à organiser des réunions ciblées avec les responsables des volets de travail lorsque cela s’avère utile, y compris pour présenter ou discuter de ces contributions. Cette approche garantit que vos contributions éclaireront les travaux des différents groupes de travail d’une manière structurée et significative, tout en permettant aux groupes de travail de rester concentrés sur leur mandat.
Le LSR est un exercice interne important pour l’institution. Il a pour but de renforcer la Commission et sa capacité à répondre efficacement aux besoins des citoyens européens. Dans ce contexte, j’attache une grande importance à ce que les représentants du personnel puissent apporter des contributions constructives tout au long du processus, tout en veillant à ce que les rôles et mandats respectifs des différents acteurs soient préservés.
A ce stade, les workstreams restent un exercice interne à l’administration. Demander aux représentants du personnel de participer à ce travail interne créerait une situation dans laquelle ils seraient co-auteurs de recommandations qu’ils pourraient ensuite être amenés à évaluer ou à discuter avec l’administration, brouillant ainsi la distinction entre les rôles respectifs et les phases du processus.
Le maintien de cette distinction et de cette séquence permet de préserver la distinction entre l’administration et la représentation du personnel et garantit que les représentants du personnel peuvent exercer leur rôle important de manière libre et indépendante en ce qui concerne les résultats des chantiers.
En outre, si les idées issues du LSR aboutissent à des propositions concrètes sous la forme de nouvelles dispositions générales d’exécution ou de décisions affectant les règles applicables au personnel ou les conditions de travail, le cadre bien établi du dialogue social s’appliquera pleinement, y compris la participation des syndicats et des associations du personnel représentatifs lorsque cela est prévu.
Soyez assurés que la DG RH continuera à travailler en étroite collaboration avec le CSC tout au long du processus de la LSR et à chaque étape de son développement et de sa mise en œuvre, en tant qu’interlocuteur statutaire de l’administration pour les questions relatives à l’organisation et au fonctionnement des services.
Signé électroniquement
Stephen QUEST

01/12/2025
*******

AK/RTR
Note à l’attention de M. StephenQUEST, Directeur GÉNÉRAL DG RH
Objet : Révision à grande échelle – Participation du Comité
central du personnel/Syndicats
Cher Monsieur Quest,
Le Comité central du personnel (CSC) et les syndicats représentatifs souhaitent vous remercier pour la présentation que vous avez faite lors de la réunion plénière du Comité central du personnel du 23 octobre 2025 au sujet du réexamen à grande échelle (RGE). Nous vous remercions également d’avoir confirmé que le statut du personnel n’entre pas dans le champ d’application de cet exercice et que, par conséquent, quels que soient les résultats/conclusions de cet exercice, il n’y aura pas de demande de réforme.
Au cours de la présentation, il a également été mentionné que la phase initiale de cet exercice comprenait la consultation d’environ 1 000 membres du personnel, y compris des cadres (supérieurs), des employés et même des jeunes cadres. Néanmoins, il n’y a jamais eu de véritable consultation du comité du personnel, le comité qui, conformément à l’article 9 du statut, représente le personnel et peut exprimer l’opinion du personnel. Suite à cette présentation, le CSC a reçu une lettre du président de l’équipe LSR, M. McAleavey, indiquant que le CCP pouvait « soumettre des contributions écrites sur n’importe quel – ou même tous les – chantiers » et que l’équipe LSR serait « heureuse de faciliter les réunions entre les collègues désignés par le Comité central du personnel et les responsables des chantiers, le cas échéant, pour discuter de vos contributions et de l’état d’avancement des chantiers concernés« .
Si nous nous félicitons de l’ouverture de la DG RH en ce qui concerne la contribution de la CSC et des syndicats aux chantiers, nous regrettons en même temps que l’offre de la DG RH soit « trop faible et trop tardive« . Nous avons le sentiment que dans le cadre de cet exercice, la DG RH ne veut pas vraiment reconnaître le rôle statutaire du Comité du personnel et celui des syndicats en tant que parties sociales les plus importantes, pour ne pas dire uniques. Ceci est d’autant plus décourageant pour les représentants élus du personnel que cette implication extrêmement limitée des représentants du personnel ne semble même pas cohérente avec l’avis de la Commission sur le dialogue social. Une lecture rapide de la communication de la Commission intitulée » Renforcer le dialogue social dans l’Union européenne : exploiter toutes les potentialités de la gestion de transitions équitables » permet de constater le manque de cohérence ; entre autres, il est mentionné que » la participation des partenaires sociaux améliore l’élaboration des politiques et des lois « , ou que » des partenaires sociaux forts sont essentiels pour une gestion efficace et équilibrée du changement « . Dans le même esprit, le Conseil mentionne que « la l’implication systématique des partenaires sociaux et des autres parties prenantes concernées est essentielle au succès de la coordination et de la mise en œuvre de la politique économique et de la politique de l’emploi« .
Le LSR est précisément un exercice qui vise à identifier les domaines d’amélioration, à proposer des changements et à réaliser la transition vers de nouveaux processus et de nouveaux modes de fonctionnement ; d’où la demande du Comité du personnel et des syndicats d’être activement inclus en tant que partenaires égaux dans cet exercice. Notre demande répétée d’être activement impliqués répond également à l’invitation de la Présidente Von der Leyen du 10 septembre 2025, dont le courriel à l’ensemble du personnel concluait : « Enfin, je saisis cette occasion pour vous inviter à participer à l’examen à grande échelle de l’organisation et du fonctionnement de la Commission actuellement en cours. Votre point de vue est essentiel pour ce travail, afin de façonner une Commission capable de répondre aux besoins des Européens dans un monde en mutation rapide. »
Les membres de la CSC et des syndicats peuvent avoir des idées très précieuses qui peuvent être extrêmement utiles si nous avons la possibilité de participer pleinement aux travaux des groupes de travail, à l’exercice d’étalonnage et au groupe de haut niveau. Nous demander simplement de « partager des contributions » de manière générique, sans avoir la possibilité de les présenter et de les expliquer ou de commenter d’autres contributions est tout simplement contre-productif pour nous. Le Comité du personnel et les syndicats ont des rôles clairs à jouer, notamment une consultation adéquate et opportune, le partage de la documentation, un dialogue efficace et un réel désir de la part de l’administration de discuter avant que des décisions ne soient prises. Si les éléments susmentionnés font défaut, les représentants du personnel sont empêchés d’exercer leur rôle et ne peuvent en aucun cas être considérés comme « consultés ».
Pour résoudre les problèmes susmentionnés, les CSC/TU proposent les modes de participation active suivants :
- Inclusion de 2 représentants du personnel dans chaque axe de travail ;
- Participation de deux représentants du personnel au groupe de haut niveau en tant que membres ou observateurs ;
- Partage précoce avec la CSC/les syndicats des conclusions intermédiaires de tous les groupes de travail, prévu pour février 2026;
- Consultation sur les recommandations préliminaires et le projet de rapport final du LSR.
Les représentants du personnel souhaitent une fois de plus réitérer leur volonté de rendre notre Organisation plus moderne, plus agile et plus flexible, et nos propositions susmentionnées visent exclusivement à contribuer à la réalisation de ces objectifs.
Athanasios KATSOGIANNIS (Comité central du personnel)
Cristiano SEBASTIANI / Raul TRUJILLO (Alliance)
Marcela VALKOVA (Génération 2004)
Nicolas MAVRAGANIS (USF)
Georges VLANDAS / Helen CONEFREY (RS-U4U/USHU)
cc: M. Grzegorz Radziejewski, Mme Ana Carrero, M. Christian Roques, M. Christian Linder, M. Stanislav Demirdjiev, M. Laurent Duluc, M. Beniamino Annis, M. Paul McAleavey
20/11/2025
*****

Bruxelles, le 11 novembre 2025
Note à l’attention de
M. Piotr Serafin, Commissaire au budget, à la lutte contre la fraude et à l’administration publique
Mme Catherine Day, Conseillère spéciale du Commissaire Serafin et présidente du groupe de haut niveau
Objet : Révision à grande échelle – Article publié sur Euractiv
Comme nous l’avons indiqué dans la lettre que nous vous avons adressée le 6 octobre et qui est restée à ce jour sans réponse, l’exercice d’examen à grande échelle suscite un certain nombre de questions, voire d’inquiétudes, au sein du personnel.
D’une part, par la présente (deuxième lettre), nous souhaitons réitérer notre demande d’implication et de participation active des représentants du personnel à toutes les étapes, à tous les chantiers et à tous les groupes mis en place pour mener à bien l’Examen à grande échelle. Les mesures actuellement envisagées par la DG RH sont clairement insuffisantes et confirment le mépris pour un véritable dialogue social, qui ne devrait pas être remplacé par un simple partage d’informations.
D’autre part, ces inquiétudes sont d’autant plus fondées que, par le passé, un exercice similaire présenté comme un effort de « modernisation » de notre institution a abouti à une réforme désastreuse de notre statut. Ses conséquences sont encore ressenties aujourd’hui par le personnel et ont gravement nui à l’attractivité de notre fonction publique.
À cet égard, nous avons pris note des assurances orales données par M. Quest lors de sa participation à la dernière réunion plénière du Comité central du personnel (CCP), selon lesquelles il n’y aurait pas de nouvelle réforme du statut. Cependant, nous notons qu’il n’y a, à ce stade, aucune garantie formelle et écrite fournie directement par la Commission, et que cette révision est effectuée dans le cadre du statut actuel.
Par ailleurs, le personnel est profondément préoccupé par le récent article publié sur Euractiv faisant état de commentaires attribués à Mme Catherine Day remettant en cause la permanence même de notre fonction publique et, par extension, son indépendance. Un tel article soulève de sérieuses inquiétudes, car il semble indiquer une possible réouverture du statut, contrairement aux assurances données précédemment par la DG RH.
Il semble très inapproprié que le président du groupe de haut niveau ait fait de tels commentaires publics avant le début du processus. Il est donc de la plus haute importance que la Commission demande à Mme Day de clarifier publiquement si les déclarations sont exactes et, dans le cas contraire, de demander la publication d’un corrigendum sur ce sujet.
Surtout, il appartient à Mme Day de confirmer immédiatement et sans équivoque au personnel que les commentaires cités dans l’article ne reflètent en aucun cas ses pensées, ses intentions ou ses priorités dans le cadre de son mandat de présidente du Groupe de haut niveau sur l’examen à grande échelle.
Par ailleurs, Mme Day étant votre conseillère spéciale, nous vous demandons si vous pouvez, au nom de la Commission, confirmer formellement qu’une telle vision de l’avenir de notre fonction publique est totalement inacceptable, qu’elle ne correspond en rien aux priorités de notre institution et qu’elle ne peut représenter un résultat possible et acceptable du réexamen à grande échelle.
Si nous voulons vraiment que cet exercice contribue à améliorer l’organisation et le fonctionnement de notre institution, nous devons être très clairs sur le cadre dans lequel il est mené en établissant fermement les résultats que la Commission doit d’ores et déjà écarter comme inacceptables et contraires aux principes fondateurs de notre fonction publique européenne.
Nous demandons donc à la Commission de convoquer d’urgence une réunion consacrée au dialogue social avec les représentants du personnel afin de discuter de ces questions et de convenir des prochaines étapes. Nous attendons également de la Commission qu’elle présente une vision et une feuille de route claires et cohérentes pour la révision à grande échelle, en veillant à ce que toutes les actions soient guidées par des objectifs définis plutôt que par des déclarations isolées ou des initiatives ad hoc.
| C. Sebastiani / R. Trujillo | M. Válková | N. Mavraganis | G. Vlandas / H. Conefrey |
| Alliance (signé) | Génération 2004 (signé) | USF (signé) | RS- U4U/USHU (signé) |
Copie : Mme Ursula von der Leyen, Présidente
M. Björn Seibert, chef de cabinet du président
M. Grzegorz Radziejewski, chef de cabinet ; Mme Ana Carrero Yubero,
membre du cabinet Serafin
M. Stephen Quest, directeur général ; M. Christian Roques, directeur
général adjoint ;
M. Christian Linder, directeur HR. F ; M. Laurent Duluc, chef d’unité
adjoint HR. F4 – DG RH Personnel de la Commission et des agences
exécutives
11/11/2025
******

Objet : Réponse à votre note sur le groupe de réflexion de haut niveau : Réponse à votre note sur le groupe de réflexion de haut niveau
Monsieur Sebastiani, Monsieur Trujillo Herrera, Monsieur Mavraganis, Monsieur Vlandas
Mesdames Valkova et Conefrey
Je vous écris au sujet de votre note du 6 octobre 2025 sur le groupe de réflexion de haut niveau sur l’examen à grande échelle, à laquelle le commissaire Serafin m’a demandé de répondre en son nom.
Je me félicite de votre soutien aux objectifs du réexamen à grande échelle, qui nous donne l’occasion de moderniser et de renforcer notre administration publique. Permettez-moi de souligner que le réexamen se fonde sur l’expérience, l’expertise et les connaissances du personnel de la Commission à tous les niveaux. Le groupe de réflexion de haut niveau, composé d’experts externes, est là pour apporter un point de vue indépendant et extérieur et servir de caisse de résonance pendant l’examen.
L’examen à grande échelle s’articulera autour de 15 axes de travail, et les travaux de préparation des recommandations relatives à chaque axe de travail sont sur le point de commencer. Dans ce contexte, permettez-moi de confirmer qu’il n’y a aucune intention de rouvrir le statut du personnel.
Au fur et à mesure que l’exercice de révision progressera, les représentants du personnel pourront apporter leur contribution dans le cadre structuré de la représentation du personnel.
Le 23 octobre 2025, je rencontrerai le Comité central du personnel en compagnie de Paul McAleavey, qui dirige l’équipe chargée de la révision à grande échelle. Ce sera l’occasion de réfléchir à la manière dont le Comité peut être tenu informé et dont il peut soumettre des avis et des contributions.
En outre, afin de permettre à chacun de faire le point sur sa situation et sur ce que l’on peut attendre de la révision, le commissaire Serafin organisera une réunion de l’ensemble du personnel le 21 novembre 2025.
J’apprécie votre engagement et je suis persuadé que l’administration peut compter sur votre soutien continu au fur et à mesure de l’avancement du réexamen.
Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées,
Signé électroniquement
Stephen QUEST
Cc: G. Radziejewski, A. Carrero (CAB Serafin)
C. Roques, P. McAleavey, L. Duluc (DG HR)
A. Katsogiannis (CSC)
22/10/2025
******

Note à l’attention de M. Piotr Serafin
Commissaire au budget, à la lutte contre la fraude et à l’administration publique
Objet : Groupe de réflexion de haut niveau Groupe de réflexion de haut niveau
La Commission européenne a récemment mis en place un groupe de réflexion de haut niveau présidé par l’ancienne secrétaire générale de la Commission, Catherine Day, une collègue ayant une grande expérience de l’institution, et composé d’experts de premier plan « issus d’organisations internationales et d’administrations publiques de toute l’Europe ».
Le groupe a pour objectif de réaliser un examen complet de l’organisation et du fonctionnement de la Commission d’ici à la fin de 2026, avant ou parallèlement à l’adoption du prochain budget pluriannuel, accompagné d’un exercice d’étalonnage.
L’objectif de cet exercice est de rendre « notre organisation plus forte, plus agile et mieux équipée pour continuer à servir les citoyens européens ». En outre, il renforcera l’attrait de la Commission en tant qu’employeur et créera « un environnement de travail où chacun peut s’épanouir ».
Autant d’objectifs que nous partageons !
Les représentants syndicaux et statutaires du personnel se félicitent donc de cette initiative. Il est nécessaire et légitime de revoir périodiquement la pertinence et la validité de nos pratiques professionnelles.
Dans cette annonce, nous avons également apprécié votre engagement à prendre en compte les idées et les propositions du personnel sur ce sujet. Ceci est d’autant plus important que les domaines de travail de ce groupe de haut niveau se concentrent sur « nos opérations, nos structures et la collaboration interservices » en vue « d’améliorer la planification stratégique des effectifs et l’allocation des ressources ».
Nous convenons qu’il s’agit là de questions qui non seulement intéressent au premier chef le personnel, mais qui, compte tenu de son expertise, requièrent sa participation active et celle de ses représentants.
Il convient néanmoins de noter que les représentants du personnel n’ont pas été impliqués dans cette initiative, que ce soit avant sa publication ou dans sa mise en œuvre à ce jour.
A cet égard, nous demandons à pouvoir exercer pleinement notre rôle de représentants du personnel, sans nous limiter à une simple consultation, mais en étant présents au sein de ce groupe, ce qui permettrait une véritable interaction et une participation active et constructive de notre part.
L’implication directe et active des représentants du personnel est essentielle, car ces propositions auront un impact majeur sur la vie professionnelle et privée du personnel que nous représentons, ainsi que sur notre institution.
Ayant déjà apprécié votre engagement en faveur du dialogue social, nous sommes convaincus que vous répondrez positivement à notre demande, qui soutient pleinement vos commentaires et votre désir d’accueillir nos idées, car vous les considérez comme « essentielles pour façonner une Commission qui tienne vraiment ses promesses, qui soit efficace et qui soit prête pour l’avenir ».
Enfin, vous notez dans votre communication que « la dernière révision majeure de l’organisation et du fonctionnement de la Commission a eu lieu il y a 25 ans ».
Cependant, les souvenirs refont surface et le personnel se souvient que ce réexamen était, à l’époque, le prélude à la réforme de 2004.
Nous rappelons que les deux réformes consécutives du statut, en 2004 et 2014, ont déjà généré des économies substantielles pour le budget de l’UE, répondant aux souhaits de réduction des coûts des États membres, mais à un coût très lourd pour le personnel des institutions, comme le confirme le rapport 2019 de la Cour des comptes.
Ces réformes ont non seulement profondément détérioré les conditions de travail du personnel des institutions, mais elles ont également sapé l’attractivité de notre fonction publique, le déséquilibre géographique actuel en étant une conséquence directe.
Nous appelons donc la nouvelle Commission à prendre un engagement clair : cette révision ne doit en aucun cas conduire à une nouvelle réforme du statut, mais uniquement à la mise en œuvre des améliorations mentionnées ci-dessus, qui doivent être mises en place sans modifier le statut.
| C. Sebastiani / R.Trujillo (Alliance) M. Valkova (Génération 2004) N. Mavraganis (USF) G. Vlandas / H. Conefrey (RS U4U/USHU) |
Copie :M. Grzegorz Radziejewski, chef de cabinet ; Mme Ana Carrero Yubero, membre du cabinet Serafin M. S. Quest, directeur général ; M. C. Roques, directeur général adjoint ; M. L. Duluc – DG RH Personnel de la Commission et des agences exécutives
06/10/2025
Lettre à la présidente de la Commission
Assurer le leadership de l’Europe dans l’énergie de fusion : quelles actions stratégiques pour la stratégie européenne?

U4U s’est fait l’écho des préoccupations des personnels concernés par la stratégie européenne en matière de fusion. U4U considère comme important d’assurer l’implication du personnel dans les discussions relatives à l’avenir de son activité. Par son travail, le personnel possède également une connaissance utile pour la prise des décisions. Nous comprenons également les préoccupations concernant la priorité à accorder aux investissements dans les énergies renouvelables et la transition énergétique. Ces enjeux sont essentiels et font partie d’un débat plus large sur la manière d’atteindre nos objectifs climatiques. Ce faisant, notre intention n’est pas de détourner l’attention des efforts immédiats sur les énergies renouvelables, qui doivent rester une priorité, mais d’accompagner ces efforts en soutenant la recherche dans toutes les technologies susceptibles de contribuer à une énergie décarbonisée à long terme. Voir le courrier ci-dessous adressé à la Présidente von der Leyen.

Bruxelles, le 5 décembre 2025
Ares(2025)9678766
À l’attention de Mme Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne
Objet : Assurer le leadership de l’Europe dans l’énergie de fusion – Actions stratégiques pour la stratégie européenne en matière de fusion
Madame la Présidente,
En tant que représentant de notre syndicat, je vous écris à un moment charnière pour l’énergie de fusion en Europe. La course mondiale vers la fusion commerciale s’accélère, avec des investissements massifs de la part des gouvernements et des acteurs privés dans cette technologie de rupture. L’énergie de fusion peut fournir une énergie propre, sûre et pratiquement illimitée, essentielle pour les objectifs européens de décarbonation, d’autonomie énergétique et de compétitivité industrielle.
L’Europe est depuis longtemps à la pointe de la recherche sur la fusion, avec des infrastructures, des talents et une capacité industrielle de classe mondiale. Le rapport Draghi identifie la fusion comme une technologie clé pour la productivité, la croissance et l’autonomie européennes. Toutefois, notre leadership est aujourd’hui menacé par une concurrence féroce d’autres régions du monde, ainsi qu’un programme européen marqué par une gouvernance fragmentée, des agendas de R&D obsolètes et la montée rapide des start-ups privées dans la fusion aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Chine et au Japon. Cette concurrence laisse penser que l’Europe pourrait se retrouver à la traîne si elle ne réagissait pas rapidement.
L’Europe importe près de 80 % de l’énergie qu’elle consomme, ce qui l’expose à des risques géopolitiques et à la volatilité des marchés. La fusion offre une solution : des combustibles abondants, aucune émission de gaz à effet de serre, et une électricité de base fiable, complémentaire aux énergies renouvelables et réduisant la dépendance aux combustibles fossiles. Le rapport Draghi et de nombreuses conférences et tables rondes récentes ont clairement indiqué que la fusion doit être reconnue et promue comme une technologie stratégique propre au sein de l’UE.
Des décennies d’investissements de l’UE dans la fusion et notre rôle de leader dans ITER nous placent à l’avant-garde de l’innovation en matière de fusion, avec Fusion for Energy (F4E) qui livre des composants complexes et construit une chaîne d’approvisionnement compétitive impliquant plus de 2 700 entreprises et 75 organisations de R&D. Pourtant, ITER ne doit pas être une fin en soi. La stratégie européenne en matière de fusion doit soutenir des projets parallèles et des installations de test pour maintenir active notre chaîne d’approvisionnement, combler les lacunes technologiques et assurer la continuité de l’expertise.
En raison de désaccords internes et d’un manque de leadership, la Commission est en retard dans la préparation de la toute première stratégie européenne pour la fusion, malgré les demandes claires de l’industrie européenne et des associations industrielles. Il est essentiel de passer à une stratégie industrielle globale, axée sur la commercialisation, afin de :
- Faire de la mise en œuvre commerciale l’objectif central, en permettant la création de centrales de démonstration dirigées par le secteur privé.
- Adopter une feuille de route basée sur les technologies clés (KET), alignant les financements publics sur des projets pertinents pour l’industrie.
- Rationaliser la gouvernance de l’UE, en élargissant le rôle de F4E comme organisme public unique coordonnant la recherche, l’engagement industriel et les efforts de commercialisation à l’échelle européenne.
- Mettre en place un programme solide de partenariat public-privé (PPP) pour soutenir les start-ups de la fusion et les fournisseurs industriels.
- Distinguer la fusion de la fission dans la réglementation européenne, en garantissant des cadres adaptés.
L’UE doit agir pour renforcer les initiatives privées, attirer les investissements et créer un cadre unifié soutenant à la fois les acteurs publics et privés. Des partenariats public-privé, des cadres clairs en matière de propriété intellectuelle et des instruments financiers ciblés sont nécessaires pour libérer le potentiel des start-ups européennes dans la fusion.
Fusion for Energy (F4E) est non seulement la seule entité juridique publique de l’UE dédiée à la fusion, mais aussi un centre unique d’expertise technique, de savoir-faire industriel et de talents. Le personnel de F4E réunit des décennies d’expérience dans la gestion de contrats industriels complexes, les processus d’approvisionnement et la livraison de technologies de fusion de pointe. Leur expertise a été essentielle dans la contribution européenne réussie à ITER, notamment dans la conception, la fabrication et la livraison de composants avancés tels que les aimants supraconducteurs et les secteurs de la chambre à vide.
Le personnel de F4E est composé d’ingénieurs, de scientifiques, de chefs de projet, de spécialistes des achats et de juristes hautement qualifiés, dont beaucoup ont développé leur carrière grâce à une implication directe dans des projets phares de fusion tels que JET, ITER, JT-60SA et les activités de l’approche élargie. Ce vivier de talents a permis à F4E de faire le lien entre la recherche et l’industrie, favorisant l’innovation, le transfert de technologie et le développement d’une chaîne d’approvisionnement européenne compétitive. Les connaissances accumulées du personnel en matière d’engagement industriel, de gestion de contrats et de résolution de problèmes techniques constituent un atout stratégique pour l’Europe, garantissant que l’UE reste à la pointe de la technologie de fusion et soit prête à passer à l’échelle commerciale.
De plus, l’engagement de F4E dans le développement de nouveaux talents par l’éducation, la formation et la collaboration avec les universités et les centres de recherche assure une pérennité de l’expertise pour l’avenir. L’approche proactive de l’organisation en matière de gestion des connaissances et son rôle dans le soutien aux partenariats public-privé renforcent encore la position de l’Europe dans la course mondiale à la fusion.
Finalement, F4E aura un rôle important dans la coordination de le recherche européenne lors de l’exploitation d’ITER, ce qui renforcera davantage son capital de connaissance et expérience comme pôle d’expertise européenne.
Un leadership fort et une coordination efficace au sein de la Commission sont essentiels. La fragmentation actuelle entre les commissaires à l’énergie et à la recherche, et leurs services respectifs, doit être surmontée, avec un commissaire principal en charge et une structure de gouvernance simplifiée pour garantir une mise en œuvre efficace. La coordination entre les activités de fusion de l’UE et des États membres, ainsi qu’avec les start-ups privées, est cruciale pour éviter les doublons et maximiser l’impact.
L’Europe est à la croisée des chemins. Par une action décisive, nous pouvons transformer notre expertise en fusion en une industrie commerciale capable de relancer le moteur de croissance européen, d’assurer la sécurité énergétique et de diriger le monde dans les technologies propres. Nous exhortons la Commission à élaborer une stratégie européenne pour la fusion efficace, opportune et tournée vers l’avenir, avec F4E en son cœur, et à fournir l’engagement politique fort et les politiques ciblées nécessaires pour concrétiser le potentiel de la fusion.
Je vous remercie de l’attention prêtée au contenu de cette lettre. Dans l’attente de lire votre réponse, je vous prie d’agréer, Mme la Présidente, l’expression de ma haute considération.
Georges Vlandas
Président U4U
Copies:
- Dan Jørgensen (Commissaire à l’Energie et au Logement), Ekaterina Zaharieva (Commissaire pour les Start-ups, la Recherche et l’Innovation), Stéphane Séjourné (Vice-Président pour la Prosperité et la stratégie industrielle)
- Ditte Juul-Jørgensen (Directrice Générale DGENER), Massimo Garribba (Directeur-général adjoint DGENER), Marc Lemaître (Directeur-Général DGRTD)
De meilleurs conditions de vie et de travail pour les agents de Luxembourg
Vos préoccupations, nos réponses

En novembre 2025, U4U a mené une enquête auprès de tout le personnel de la Commission européenne à Luxembourg afin de cerner les besoins, les préoccupations et les aspirations des agents. Dans ce questionnaire, il était d’abord demandé de classer des thématiques par ordre d’importance, puis de donner son avis sur différentes avancées obtenues lors du mandat.
Il s’agira ici de mettre en perspective les propositions de U4U qui font écho aux résultats de l’enquête.
1- U4U : nos principales revendications
Nos revendications sont issues d’un processus collectif continu basé sur l’expérience et le dialogue avec le personnel, et ont vocation à être encore enrichies comme elles l’ont été par les aspirations de collègues de Luxembourg.
Le télétravail depuis l’étranger
Une des priorités de nos collègues tels qu’exprimés dans l’enquête
→ Les règles actuelles accordent la possibilité de travailler 2 semaines en télétravail depuis l’étranger.
Ce que nous revendiquons :
→ 5 jours supplémentaires de télétravail à l’étranger par an pour toutes et tous.
→ Possibilités additionnelles élargies pour les cas exceptionnels (problèmes familiaux…)
→ Possibilités additionnelles de télétravail lorsque les locaux de la Commission seraient fermés
Par ailleurs, pour ce qui concerne le télétravail en général, U4U plaide pour une vision plus flexible du télétravail pour l’apprécier sur une période d’un mois et adapter la méthode aux besoins. Par exemple, il devrait être possible de prendre une plus grande période de télétravail (par exemple une semaine entière) d’un coup si c’est plus utile.
Rémunération et perspectives de carrière
Une autre préoccupation exprimée dans l’enquête
→ Les règles actuelles limitent les contrats à 6 ans pour les agents contractuels et temporaires (hors offices), sans assez de possibilités de progression.
Cela génère un turn-over qui n’est souhaitable ni pour les agents, ni pour l’administration. D’une part, la condition précaire des contrats à durée déterminée n’est pas accompagnée par des possibilités d’évolution suffisantes. Cela entraîne une baisse d’investissement lorsque les perspectives de progression se referment. D’autre part, c’est une perte de talent considérable pour l’administration puisque les agents recrutés et formés pendant 6 ans quittent les services et laissent place à de nouveaux agents qu’il conviendra d’intégrer et de former.
Ce que nous revendiquons :
Contractuels
→ Un reclassement automatique pour tous les contractuels après 3 ans de contrat.
→ Possibilité d’obtenir, après au maximum 6 ans d’agent contractuel, au maximum 6 ans d’agent temporaire selon des modalités à définir, soit un total qui peut monter à 12 ans et ouvrent donc des droits à pension.
→ 4 concours internes de titularisation en 6 ans, pour les agents contractuels
→ 1 concours interne de titularisation chaque année pour les agents temporaires (donc 6 concours sur 6 ans)
→ Organisation de passage de groupe de fonction pour les contractuels (passer de 1 à 2, de 2 à 3 etc. selon des modalités déterminées)
Fonctionnaires
→ Possibilité de concours interne de passage d’agent d’AST/SC à AST
→ Organisation de passage AST à AD en plus de la certification
→ Augmentation du nombre de possibilités de nomination comme senior assistant (AST10) ou senior expert (AD13)
→ Organisation de deux concours internes sur cinq ans, pour les temporaires et les fonctionnaires, qui permettent à la fois d’accélérer le passage des grades (de AST1 à AST3 & de AD5 à AD7) et, le cas échéant, la titularisation.
→ Possibilité de formation de certification au bout de 10 ans d’AST
La politique de logement à Luxembourg
Une autre priorité mise en lumière par les répondants
→ Actuellement, le montant de l’indemnité de logement est de 500€ maximum avec des seuils dégressifs et aucune attribution au-delà des grades AD5 et AST5.
L’indemnité de logement est particulièrement importante pour nos collègues des institutions de Luxembourg où les loyers sont plus élevés qu’à Bruxelles. Or, les salaires versés à Bruxelles sont les mêmes que ceux versés à Luxembourg avec pour conséquence un pouvoir d’achat plus faible pour les collègues à Luxembourg. Luxembourg.
Ce que nous revendiquons :
→ Une indemnité de logement de plus de 1000€ pour tous les agents travaillant et vivant à Luxembourg et à tous les grades
→ Cette indemnité sera fixée sur une période de 7 ans correspondant à la durée du MFF et révisable en fonction des évolutions du pouvoir d’achat de Luxembourg par rapport à Bruxelles.
→ Un remboursement total des frais de transports pour les agents vivant à l’extérieur de Luxembourg dû aux loyers élevés.
Un meilleur accès aux soins
Transformons l’essai !
→ Récemment, des accords ont été trouvés avec les hôpitaux luxembourgeois pour mettre fin à la surfacturation médicale. Un accord entre le PMO et la Fédération des hôpitaux luxembourgeois (FHL) afin d’introduire la facturation directe par les hôpitaux. Dans notre enquête, 86% des répondants étaient satisfaits de cette avancée.
Ce que nous revendiquons :
→ Étendre ce principe à d’autres acteurs de santé comme les médecins et autres prestataires de soins privés.
→ Mettre à jour les plafonds de remboursement RCAM (un travail fastidieux déjà entamé)
Atténuer la surcharge de travail
Pour nous la bataille est avant tout budgétaire, U4U défend le maintien de la proposition de la Commission (2000Md€) et non pas sa réduction, mais défend surtout un budget accru (cf rapport Draghi). Pour faire face aux défis qui sont les nôtres nous sommes d’accord pour organiser une réflexion collective sur des modes de travail plus efficaces et plus épanouissants pour le personnel. Enfin, le recours additionnel en personnel précaire, pour faire face à des besoins nouveaux, est accepté à condition que ce personnel soit bien traité, bénéficie des perspectives de carrière et d’intégration à terme dans la fonction publique permanente comme fonctionnaire (voir plus haut nos revendications pour les agents contractuels et temporaires).
En plus de cela, nous souhaitons réfléchir de manière collective à nos méthodes de travail afin de les rendre à la fois plus efficace et plus aisés à réaliser (cf notre manifeste).
Nous défendons également le droit garanti à la déconnexion accompagné d’une lutte contre l’hyperconnexion.
U4U a dans son programme d’autres revendications, retrouvez-le l’ensemble de notre programme ici.
2- Vos aspirations exprimées dans l’enquête
Parmi les centaines de réponses, on retrouve les préférences ci-dessous.
- Dans les sujets les plus importants pour les répondants, on retrouve notamment le télétravail (notamment à l’étranger), les perspectives de carrières (notamment pour les agents contractuels), les enjeux autour du logement et du pouvoir d’achat et l’accès au soin. Toutefois, les sujets qui cristallisent des préoccupations sont nombreux.
- Les avis sur les avancées obtenues durant le mandat sont très largement positifs, surtout pour les questions d’accès à la santé, carrières et logement.
Depuis plusieurs années, notre organisation travaille à élaborer collectivement des propositions pour améliorer les conditions de travail et de vie des agents dans l’ensemble des sites de la Commission et des institutions européennes (voir nos propositions plus haut). Cette enquête met en lumière une grande proximité entre les aspirations des agents de Luxembourg et les propositions de U4U pour les travailleurs du Grand-Duché.
2.1- Les principales préoccupations des agents de Luxembourg
En une phrase : Les répondants placent en tête le télétravail depuis l’étranger, la réduction de la surcharge de travail et l’amélioration des conditions matérielles et psychologiques au travail. Viennent ensuite les préoccupations liées aux rémunérations, aux carrières et à l’accès au logement.
Classement des priorités (méthode Borda[1]) :
- Davantage de possibilités de télétravail depuis l’étranger
- La surcharge de travail et la pression excessive sur le personnel
- L’accès aux soins de santé, y compris le coût
- Le niveau des rémunérations
- Perspectives de carrière pour agents contractuels & mobilités
- Bien-être physique au travail : qualité & ergonomie des bureaux
- Santé émotionnelle et mentale au travail
- Accès au logement, y compris le coût
- Perspectives de carrière pour fonctionnaires & mobilités
- Plus de télétravail depuis notre domicile
- Qualité du personnel d’encadrement / formation des managers
- Retrouver le sens du travail / participation au projet européen
- Respect au travail et lutte contre le harcèlement
- Soutien social aux collègues en difficulté
- Éloignement du lieu de travail et durée des trajets
- Qualité du travail de la représentation du personnel
- Isolement, solitude, éloignement familial
- Soutien aux familles (écoles européennes, crèches, etc.)
[1] La méthode de Borda consiste à attribuer un nombre de points à chaque item en fonction de sa position dans chaque classement individuel (par exemple, un item classé 1ᵉʳ reçoit plus de points qu’un item classé 2ᵉ, etc.). On additionne ensuite tous les points obtenus par chaque item dans l’ensemble des réponses. L’item ayant le total de points le plus élevé est classé en première position.
Classement des réponses qui arrivent en première position :
- Perspectives de carrière des agents contractuels (19%)
- Le niveau des rémunérations (15%)
- Davantage de possibilités de télétravail depuis l’étranger (13,5%)
- La surcharge de travail et la pression excessive (13%)
- Perspectives de carrière des fonctionnaires (7%)
- Des possibilités accrues de télétravail depuis le domicile (5%)
- L’accès aux soins de santé (coûts compris) (4%)
- Bien-être physique au travail (espaces, ergonomie, etc.) (3,5%)
2.2- Retour sur les avis concernant les avancées conquises durant le mandat
- Une allocation de logement pour certains membres du personnel habitant Luxembourg.
1- Un pas dans la bonne direction mais une mesure insuffisante — 44%
2- Une avancée importante — 37%
3- Une mesure sans intérêt réel pour le personnel — 10%
4- Sans opinion — 9%
En une phrase : La majorité des répondants considère cette mesure comme positive mais insuffisante, suggérant qu’elle ne répond qu’en partie aux besoins du personnel. Une proportion significative y voit une réelle avancée, tandis qu’une minorité juge qu’elle n’a pas d’impact concret.
- Un meilleur accès aux soins de santé grâce à la négociation du tiers-payant (paiement direct des factures par le PMO) et d’un plafond des tarifs hospitaliers.
1- Une avancée importante — 50%
2- Un pas dans la bonne direction mais une mesure insuffisante — 36%
3- Sans opinion — 8%
4- Une mesure sans intérêt réel pour le personnel — 6%
En une phrase : La majorité des répondants considère cette mesure comme une avancée importante, même si un nombre significatif souligne qu’elle reste insuffisante pour répondre pleinement aux besoins. Une petite minorité n’a pas d’avis ou estime qu’elle n’a pas d’impact réel.
- Une meilleure prise en charge du harcèlement (avec la nomination d’une « chief confidential counsellor », CCC)
1- Un pas dans la bonne direction mais une mesure insuffisante — 36%
2- Sans opinion — 26%
3- Une avancée importante — 25%
4- Une mesure sans intérêt réel pour le personnel — 13%
En une phrase : La mesure est perçue majoritairement comme positive mais insuffisante, suggérant qu’elle ne répond que partiellement aux attentes en matière de prévention et de gestion des situations sensibles. Les avis sont globalement mitigés, avec beaucoup d’indécision et une minorité estimant qu’elle n’a pas d’impact réel. Toutefois, on peut estimer que la nomination du CCC est trop récente pour que la portée de son action puisse être appréciée. De plus, le personnel se méfie des décisions qui paraissent bonnes mais qui sont mal appliquées. L’avenir nous dira plus précisément ce que pense le personnel de cette mesure.
- De meilleures perspectives de carrière pour les agents contractuels et temporaires à durée limitée (hors offices) (meilleures possibilités de reclassement; meilleur accès des contractuels à des postes de temporaires; engagement de l’administration d’organiser davantage de concours internes, plus largement accessibles).
1- Un pas dans la bonne direction mais une mesure insuffisante — 52%
2- Une avancée importante — 22%
3- Sans opinion — 17%
4- Une mesure sans intérêt réel pour le personnel — 9%
En une phrase : La mesure est majoritairement perçue comme positive mais insuffisante, beaucoup estimant qu’elle ne répond pas encore pleinement aux enjeux liés aux concours et aux perspectives de carrière. Les opinions restent divisées, avec un groupe non négligeable d’indécis et une minorité la jugeant inutile.
2.3- Ce que devraient être nos priorités pour le prochain mandat selon les répondants (réponses arrivées en tête des priorités) :
- Perspectives de carrière pour agents contractuels – 20%
- Niveau des rémunérations – 14%
- Télétravail depuis l’étranger – 13%
- Surcharge de travail / pression excessive – 12%
- Perspectives de carrière pour fonctionnaires – 7%
En une phrase : un répondant sur cinq place la perspective de carrière pour les agents contractuels en première position des priorités que devrait avoir le syndicat. Environ une personne sur sept place le niveau de rémunération, le télétravail depuis l’étranger et la surcharge de travail en première position des priorités.
Télétravail: améliorons nos conditions de travail

L’administration doit garantir le bien-être de l’ensemble de son personnel, en particulier de celles et ceux qui subissent une augmentation significative de leur charge de travail : améliorons les conditions d’octroi du télétravail !
Des solutions concrètes doivent être trouvées pour préserver la qualité d’exécution des tâches, qui constitue une marque d’excellence du travail du personnel des institutions, tout en garantissant un rythme de travail viable, des outils appropriés et un cadre de travail adéquat. Les espaces de travail doivent être adaptés aux exigences et aux besoins spécifiques de chaque profession, et être élaborés en collaboration et avec l’accord du personnel. Cela inclut notamment les nouvelles installations comme les espaces ouverts et les « hot desks ».
Ces thématiques doivent être réintroduites à l’agenda du dialogue social, à la suite de la tenue des réunions du Groupe de Travail à haut niveau de Catherine Day.
S’agissant tout d’abord du télétravail :
- Pour U4U, il est essentiel que le télétravail soit à la fois volontaire, flexible et modulable. Le maintien d’une présence au bureau est nécessaire pour favoriser l’esprit d’équipe, l’innovation, la créativité, la transmission des savoirs, ainsi que l’accueil et l’intégration des nouveaux collègues. Une formation appropriée doit être mise en place pour prévenir la saturation numérique et l’hyperconnectivité. Les instruments numériques doivent être élaborés pour promouvoir le travail hybride, ainsi qu’une collaboration plus collective et participative au sein des équipes. La généralisation du télétravail pose également la question de l’équité de traitement entre les collègues, qui ne disposent pas toutes et tous des mêmes ressources matérielles. Un remboursement partiel des coûts associés au télétravail devrait être mis en œuvre. L’ensemble de ces thématiques doit être abordé lors des travaux du Groupe à Haut niveau conduit par Catherine Day.
Le télétravail offre aussi une plus grande flexibilité géographique accrue :
- U4U appuie l’idée de télétravailler « à l’étranger » pour au moins trois semaines par an, indépendamment des congés, plutôt que les deux semaines actuelles. Nous soutenons également l’attribution de périodes supplémentaires pour des raisons personnelles justifiées.
- U4U plaide pour que le télétravail à l’étranger soit enregistré par demi-journée plutôt que par journée complète.
- U4U plaide également pour l’option de télétravail à l’étranger lorsque les locaux de la Commission sont fermés par décision de celle-ci.
- U4U recommande d’adopter une approche plus flexible pour la gestion du télétravail. Plutôt que de maintenir l’approche actuelle rigoureuse -deux jours de présence au bureau et trois jours de télétravail au maximum par semaine – nous proposons, lorsque les exigences du service le permettent, une attribution plus souple mensuellement, pouvant par exemple se manifester par une semaine complète de télétravail chaque mois, avec la répartition du reste sur les trois semaines restantes du mois.
Ces revendications sont réalistes. Elles peuvent aisément être mises en pratique. Le groupe de travail à un haut niveau doit également prendre en compte les propositions émanant de la représentation du personnel.
Action intersyndicale pour les réfugiés ukrainiens à Bruxelles

U4U et R&D agissent de concert – avec tous les syndicats de la Commission (FFPE, G 2004, TAO, US, CONF SFE) – depuis plusieurs années en soutien aux réfugiés ukrainiens à Bruxelles. Ci-dessous le texte d’un appel pour financer la poursuite de notre aide.
Distribution de nourriture et de produits de première nécessité aux réfugiés ukrainiens à Bruxelles
Malheureusement, la crise s’aggrave et perdure. De nombreux réfugiés arrivent à Bruxelles. Malgré les programmes d’accueil existants, les premiers mois des nouveaux arrivants sont difficiles. Il y a besoin de secours immédiat, essentiellement sous forme de nourriture.
Depuis trois ans, avec votre soutien à tous, notre action a permis d’offrir une aide d’urgence à ces réfugiés et à leurs enfants. Nous fonctionnons avec une équipe de volontaires, sans frais de gestion. Le support continu de la Représentation du Personnel, de l’OIB, de la Banque Alimentaire et d’associations est crucial.
Aujourd’hui, nous avons surtout besoin de contributions monétaires pour acheter de la nourriture à distribuer. Toute contribution est la bienvenue.
Vous pouvez nous aider en versant un don ici :

Avec le support de R&D, U4U, GRASPE, Femmes d’Europe
Modernisation du réseau des délégations de l’UE et licenciements
Les syndicats ont manifesté en front commun, devant le Commissaire Serafin, leur grande préoccupation concernant la réalisation de la modernisation du réseau des délégations de l’UE, découlant d’une décision politique prise en mai par le SEAE et la Commission, et qui a été annoncée plus tard lors d’une réunion d’information le 23 mai. Cette décision politique a été prise sans aucune réunion de concertation sociale, alors qu’elle entraîne des conséquences significatives pour plus de 3500 employés de la Commission répartis dans 145 délégations et bureaux à travers le monde.

Note à l’attention de M. Piotr Serafin, Commissaire au budget, à la lutte contre la fraude et à l’administration publique
Objet : Demande de dialogue social sur la modernisation des délégations de l’UE et de suspension du projet de licenciement massif des agents locaux dans les Balkans occidentaux.
Nous exprimons notre profonde inquiétude quant à la mise en œuvre de la modernisation du réseau des délégations de l’UE résultant d’une décision politique prise en mai par le SEAE et la Commission et annoncée par la suite lors d’une réunion d’information le 23 mai.
Il est urgent de souligner que les représentants du personnel et les syndicats représentatifs n’ont été convoqués à aucune réunion de dialogue social avant la décision politique sur la restructuration qui a des implications profondes pour plus de 3500 membres du personnel de la Commission travaillant dans 145 délégations et bureaux à travers le monde.
Malgré les assurances répétées que toute réforme serait progressive au cours des prochaines années et que les licenciements seraient évités grâce à la non-publication des postes vacants et/ou au non-remplacement du personnel retraité ainsi qu’à des mesures de redéploiement, nous sommes aujourd’hui confrontés à une proposition de la Commission visant à licencier sommairement jusqu’à 29 membres du personnel dans les Balkans occidentaux en l’espace de quelques semaines. Dans certaines délégations, les coupes dans les sections Finances, Contrats et Audit représentent jusqu’à 65% des agents locaux actuels et sont donc considérées comme une réduction substantielle qui nécessite un mécanisme de dialogue social solide garantissant la transparence et un traitement équitable.
Nous vous rappelons que lorsque la Commission propose de licencier du personnel performant et de longue date dans le cadre d’une réorganisation, elle doit toujours suivre une procédure de licenciement juste et raisonnable. Cela nécessite une véritable justification de la restructuration et une explication claire de la raison pour laquelle certaines fonctions sont affectées. La Commission doit être transparente sur les raisons et fournir aux syndicats des informations complètes sur les changements proposés avant toute décision.
En outre, avant qu’un licenciement ne prenne effet, la Commission doit s’efforcer de trouver d’autres fonctions appropriées au sein des délégations de l’UE et donner au personnel la possibilité de faire appel d’une telle décision. L’objectif doit être d’éviter ou de minimiser autant que possible les licenciements forcés en offrant un package attractif, à la fois financièrement et en termes de soutien, pour les départs volontaires.
À la lumière des préoccupations susmentionnées, nous demandons l’ouverture d’un véritable processus de dialogue social et la suspension de tout licenciement jusqu’à nouvel ordre. Il est impératif d’élaborer un plan social qui respecte les membres du personnel qui ont consacré leur vie professionnelle au service de notre institution et qui méritent un processus digne.

Copie : Mme Ursula von der Leyen, Présidente, M. Björn Seibert, chef de cabinet de la Présidente, M. Grzegorz Radziejewski, chef de cabinet ; Mme Ana Carrero Yubero, membre du cabinet Serafin, M. Stephen Quest, directeur général ; M. Christian Roques, directeur général adjoint ; M. Christian Linder, directeur HR. F ; M. Laurent Duluc, chef d’unité adjoint HR. F4 – DG RH Personnel de la Commission et des agences exécutives
25/11/2025
« Un Taylorisme augmenté », Fiche de lecture, Juan Sebastian Carbonell
Promesses de l’intelligence artificielle (IA) et leurs répercussions sur le travail

Le livre Un taylorisme augmenté de Juan Sebastián Carbonell s’inscrit dans un courant de pensée technocritique qui interroge les promesses de l’intelligence artificielle (IA) et leurs effets sur le travail. À rebours des discours dominants qui présentent l’IA comme une révolution technologique inéluctable et potentiellement émancipatrice, l’auteur propose une analyse qui met au centre les rapports sociaux, politiques et économiques dans lesquels cette technologie s’inscrit. Son point de départ est clair : les technologies ne sont jamais neutres, elles portent la marque des rapports de pouvoir qui les façonnent et qui orientent leur déploiement. L’IA, loin de se développer selon une dynamique autonome, apparaît comme le produit d’un capitalisme cherchant à consolider son emprise sur l’organisation du travail.
L’ouvrage prend pour fil directeur une question simple mais décisive : l’IA doit-elle être pensée avant tout comme une menace pour l’emploi, ou comme un instrument de transformation du travail et de ses conditions ? En refusant le déterminisme technologique qui alimente tant les illusions technophiles que les peurs catastrophistes, Carbonell propose de déplacer le débat. Selon lui, l’IA ne conduit pas principalement à la disparition des emplois, mais à leur dégradation qualitative. Les travailleurs ne sont pas libérés de tâches monotones pour se consacrer à des activités plus créatives ; au contraire, ils sont souvent dépossédés de leur geste professionnel et réduits à des fonctions de contrôle, d’exécution ou de correction.
Pour étayer cette thèse, l’auteur procède en trois temps. Il rappelle d’abord que l’IA est moins une révolution scientifique qu’un objet social construit, traversé de luttes de définition, de cycles d’enthousiasme et de désillusion, et de stratégies médiatiques et industrielles visant à créer une « hype » favorable à son déploiement. Il montre ensuite que l’IA prolonge et intensifie les logiques tayloriennes de division, de standardisation et de contrôle du travail, touchant désormais des professions qualifiées telles que les journalistes ou les traducteurs. Enfin, il décrit la montée du management algorithmique comme nouvelle forme de commandement capitaliste, qui organise, évalue et discipline les travailleurs à travers la collecte et le traitement massif de données.
À travers cette analyse, Carbonell nous invite à dépasser le débat éthique superficiel autour de l’IA pour poser des questions politiques fondamentales : faut-il déployer certaines technologies ? Qui décide de leurs usages ? À quelles fins sociales doivent-elles être orientées ? En ce sens, Un taylorisme augmenté est autant une enquête sur le présent du travail qu’un appel à repolitiser la question technologique. Sa conclusion, en forme de manifeste, plaide pour un renouveau luddite : non pas une destruction irrationnelle des machines, mais une réappropriation démocratique de l’innovation, afin que les choix technologiques servent l’émancipation des travailleurs plutôt que leur dépossession.
I. La fabrication du mythe technologique de l’IA
L’un des apports essentiels de l’ouvrage est de replacer l’intelligence artificielle dans une généalogie de promesses et de désillusions. Carbonell insiste sur le caractère performatif des discours qui entourent l’IA depuis ses origines.
Dès les années 1950, lors du workshop fondateur de Dartmouth (1956), l’IA apparaît comme un champ éclaté, disputé entre différentes disciplines – mathématiques, neurosciences, psychologie, linguistique – sans définition unifiée. Très tôt, deux paradigmes se confrontent : l’IA symbolique, centrée sur la manipulation de symboles et de règles logiques, et l’IA connexionniste, inspirée du fonctionnement cérébral. Ces luttes ne relèvent pas d’une recherche désintéressée de vérité scientifique : elles traduisent des rapports de domination internes au champ académique, où l’accès aux financements et à la reconnaissance dépend de la capacité à imposer son paradigme.
L’histoire de l’IA est marquée par des cycles d’enthousiasme et d’« hivers » : à chaque vague de promesses exagérées succède une phase de déception et de retrait des financements. L’armée américaine, via la DARPA, a joué un rôle crucial dans ces dynamiques, notamment pendant la guerre froide. Dans les années 1980, les systèmes experts apparaissent comme une tentative de formaliser des savoirs coûteux pour les reproduire à moindre frais, mais leur échec conduit à un nouvel « hiver ». La relance survient dans les années 2010 avec le deep learning, nourri par la disponibilité massive de données, puis avec les IA génératives à partir de 2017.
Ce qui importe, souligne Carbonell, n’est pas tant la validité scientifique de chaque approche que le rôle des attentes technologiques. Celles-ci orientent la recherche, débloquent des financements et construisent une légitimité sociale. En ce sens, l’IA est toujours le produit d’une coproduction entre scientifiques, industriels, États et médias.
La médiatisation joue un rôle décisif : elle met en scène l’IA comme une révolution inéluctable, tout en occultant ses limites ou ses effets sociaux délétères. L’exemple de ChatGPT est éclairant : malgré des défaillances manifestes lors de ses premières démonstrations, le succès fut assuré par la puissance de la campagne marketing. Les médias, dépendants de l’attention et souvent alimentés directement par les entreprises, participent activement à la construction de ce mythe technologique.
Enfin, Carbonell critique l’essor du discours sur « l’IA éthique » et les tentatives de régulation. Ces initiatives, loin de freiner l’expansion de l’IA, servent souvent à la légitimer en donnant l’impression que les risques sont maîtrisés. Les dilemmes artificiels (comme celui du tramway) masquent les enjeux politiques fondamentaux : faut-il réellement déployer certaines technologies, indépendamment de leur faisabilité technique ? L’auteur plaide pour une approche déflationnaire, attentive à ce qui est non seulement possible, mais aussi socialement souhaitable.
II. L’IA et le travail : au-delà de la peur des suppressions d’emplois
Un des points centraux du livre est la critique de la focalisation sur les suppressions d’emplois. Pour Carbonell, la véritable question est celle de la transformation qualitative du travail et de la dégradation des conditions d’emploi.
Deux grandes approches dominent la littérature sur « IA et travail » :
La première estime que l’IA accroît les besoins en qualifications, menaçant surtout les emplois non qualifiés.
La seconde met en avant une polarisation : l’automatisation détruirait surtout les emplois intermédiaires, laissant subsister les emplois très qualifiés et les emplois peu qualifiés non routiniers.
Ces approches s’appuient sur la théorie du Routine-biased technological change (RBTC), qui distingue les tâches selon leur degré de routinisation et leur caractère manuel ou cognitif. L’IA, dans cette perspective, apparaît comme une technologie « sous stéroïdes », capable d’automatiser toujours plus de tâches, notamment cognitives.
Carbonell reconnaît l’intérêt de ces approches mais en souligne les limites. Elles tendent à surestimer la capacité des technologies à remplacer certaines tâches, en négligeant l’importance des savoirs tacites, des ajustements pratiques et des contextes institutionnels. L’implantation d’une technologie ne dépend pas seulement de sa faisabilité technique, mais aussi de facteurs tels que la présence syndicale, la politique salariale, ou la réglementation du travail. Une même technologie aura donc des effets différents selon les environnements.
C’est ici que l’auteur propose une alternative : l’IA ne se réduit pas à un facteur de qualification ou de polarisation, mais elle constitue un instrument de taylorisme augmenté. Pour comprendre cette thèse, il faut revenir aux principes du taylorisme, tels que décrits par Braverman :
1- Dissociation du processus de travail et de l’art de l’ouvrier :
Dans le taylorisme, le savoir-faire pratique de l’ouvrier – son « art » du métier – est progressivement extrait de sa pratique. Les gestes, les rythmes et les méthodes sont observés, analysés et formalisés par des ingénieurs. Ce déplacement du savoir transforme l’ouvrier en simple exécutant d’un processus qu’il ne maîtrise plus intellectuellement.
2- Séparation de la conception et de l’exécution :
La planification et la conception du travail sont désormais confiées à une instance de direction ou à un bureau des méthodes, tandis que les travailleurs ne font qu’exécuter les consignes définies ailleurs. Cette division du travail intellectuel et manuel marque la perte d’autonomie du producteur au profit de l’organisation.
3- Contrôle du processus de travail par la direction :
La hiérarchie impose un suivi strict de l’activité à travers la mesure du temps, la normalisation des gestes et la surveillance constante. Le management devient une technique de domination rationnelle, visant à optimiser la productivité tout en limitant les marges d’initiative des travailleurs.
La division du travail a pour effet de déposséder les ouvriers de leurs savoirs, de réduire leur autonomie et de rendre la main-d’œuvre interchangeable. Le numérique et l’IA prolongent ce processus, en codifiant toujours plus finement les gestes, en standardisant des activités jusque-là qualifiées, et en renforçant le pouvoir de surveillance des directions.
III. Études de cas : professions qualifiées face à la dépossession machinique
Pour étayer son analyse, Carbonell examine plusieurs domaines où l’IA transforme profondément des métiers qualifiés.
Il rappelle d’abord l’expérience des systèmes experts, comme MYCIN dans le domaine médical, qui cherchaient à reproduire le raisonnement des spécialistes. Si l’expert humain conservait un rôle de validation, son activité se trouvait déjà réduite à une simple évaluation d’un protocole généré par la machine.
Avec les IA génératives, cette logique s’intensifie. Ces systèmes dépendent massivement de données produites par les travailleurs (articles, œuvres, recherches), souvent utilisées sans rémunération. Le partenariat entre OpenAI et des journaux comme Le Monde illustre cette appropriation. Les IA génératives peuvent alléger certaines tâches routinières, mais elles accroissent souvent la charge globale, car il faut corriger, vérifier et éditer leurs productions. Surtout, elles tendent à déposséder les travailleurs de leur geste créatif central, en les réduisant à des fonctions de contrôle et de correction. Le cas du journalisme est emblématique : la rédaction d’articles – cœur du métier – se voit remplacée par la vérification de textes générés.
La traduction constitue un autre exemple frappant. Le discours industriel présente la traduction automatique comme une révolution, mais dans la réalité elle entraîne une déqualification : la post-édition est moins rémunérée, plus pénible, et fait perdre aux traducteurs la dimension créative de leur activité. Loin de polariser la profession entre traduction technique et traduction littéraire, l’automatisation dégrade les conditions de l’ensemble du secteur. Des collectifs de traducteurs, comme En chair et en os, s’opposent ainsi à l’usage systématique de l’IA dans la traduction.
Ces exemples montrent que l’IA générative ne libère pas le travail qualifié, mais accentue son contrôle, sa standardisation et sa dévalorisation.
IV. Le management algorithmique : un nouveau mode de commandement
Carbonell s’intéresse ensuite à l’extension du contrôle algorithmique dans les entreprises.
Les algorithmes deviennent de véritables « patrons numériques ». Ils reprennent les trois fonctions classiques du management : diriger, évaluer et discipliner. Ils organisent le travail, mesurent la performance, attribuent des récompenses ou des sanctions. La collecte massive de données (temps de travail, productivité, déplacements) permet une surveillance constante, souvent plus fine que celle des superviseurs humains.
Dans certains secteurs comme la logistique, les routiers voient leur autonomie réduite par le traçage GPS et les indicateurs biométriques : là où ils pouvaient auparavant s’arrêter en cas de fatigue, les données viennent nier leur jugement. La notation par les clients, utilisée sur les plateformes, renforce ces dynamiques en introduisant des discriminations incontrôlées.
Le management algorithmique ne se contente pas de rationaliser l’organisation : il modifie les rapports de pouvoir en créant une asymétrie d’information, qui se traduit par une asymétrie de pouvoir. Les employeurs peuvent même se déresponsabiliser en cas d’incident, en invoquant la complexité du système algorithmique – Carbonell parle de « dispersion de la responsabilité ».
Pour autant, ces dispositifs rencontrent des limites. Dans certains pays comme l’Allemagne, leur déploiement est soumis à la validation des comités d’entreprise. Plus largement, chaque forme de contrôle rencontre tôt ou tard des résistances de la part des travailleurs et des organisations syndicales. L’IA s’inscrit donc dans une continuité : après le contrôle direct, technique et bureaucratique, vient le contrôle algorithmique, qui n’échappe pas non plus à la contestation.
Conclusion
À travers Un taylorisme augmenté, Juan Sebastián Carbonell offre une lecture critique de l’intelligence artificielle qui tranche avec la rhétorique dominante de la « révolution technologique ». En mobilisant une approche historique, sociologique et politique, il démontre que l’IA n’est ni une innovation neutre ni une rupture radicale, mais plutôt la continuité d’un long processus d’intensification du contrôle du travail par le capital. En insistant sur les effets qualitatifs de l’IA sur l’emploi – perte d’autonomie, déqualification, dépossession du geste professionnel – l’auteur déplace le regard : ce n’est pas tant l’existence de l’emploi qui est menacée que son sens, sa valeur et ses conditions d’exercice.
L’ouvrage met également en lumière la manière dont les discours et les attentes technologiques façonnent la trajectoire de l’IA. Les cycles d’enthousiasme et de désillusion, les campagnes médiatiques, l’instrumentalisation de l’« IA éthique » : tout concourt à présenter cette technologie comme inévitable, en occultant ses dimensions sociales et politiques. Ce cadrage discursif contribue à désarmer les résistances, en transformant des choix industriels et politiques en pseudo-nécessités techniques.
En ce sens, l’analyse de Carbonell ne se limite pas à un constat critique : elle ouvre une perspective politique. L’évocation d’un « renouveau luddite » invite à relire l’histoire des résistances ouvrières pour en tirer des leçons contemporaines. Le luddisme, rappelle l’auteur, n’était pas un rejet irrationnel du progrès, mais une stratégie visant à défendre le contrôle ouvrier sur l’organisation du travail. De la même manière, les luttes actuelles contre la surveillance algorithmique, contre la standardisation des professions créatives ou contre la déqualification de métiers qualifiés, témoignent de la possibilité d’un refus collectif.
La véritable alternative proposée est donc celle d’un contrôle démocratique sur l’innovation technologique. En remettant en cause la propriété privée des géants du numérique, en affirmant le droit des travailleurs et des citoyens à définir les usages légitimes de l’IA, il devient possible d’esquisser d’autres trajectoires : une IA orientée vers la justice sociale, l’émancipation et le partage des savoirs, plutôt que vers la maximisation des profits et la dépossession.
Ainsi, Un taylorisme augmenté n’est pas seulement un essai critique sur l’intelligence artificielle : c’est une invitation à repolitiser la question technologique et à envisager, au-delà des discours sur l’inéluctabilité du progrès, la possibilité de choix collectifs et démocratiques. Loin d’être un simple outil, l’IA devient alors un champ de lutte, où se joue l’avenir du travail et, plus largement, le type de société que nous voulons construire.
Quel impact de l’IA sur les emplois publics dans le monde ?

Une lecture critique de l’étude Roland Berger
L’irruption de l’intelligence artificielle générative bouleverse l’ensemble des sphères de l’activité humaine. Si le débat public s’est d’abord concentré sur ses effets économiques, productifs ou culturels, son impact sur les services publics et les emplois qui les composent constitue désormais un enjeu central. Le cabinet Roland Berger, dans une étude publiée en septembre 2025, propose une cartographie mondiale des métiers du secteur public susceptibles d’être transformés par cette nouvelle génération d’intelligences artificielles.
Cette étude, fondée sur une méthodologie analytique détaillée, évalue le degré d’exposition de chaque emploi public à l’automatisation et à l’« augmentation » par l’IA. Elle se veut optimiste quant aux effets de cette transformation, insistant davantage sur les gains d’efficacité et les opportunités d’innovation que sur les risques sociaux, déontologiques ou démocratiques.
La présente note vise à restituer les principaux résultats de cette étude, à les replacer dans une perspective critique, et à discuter les implications de ces transformations pour les administrations publiques à l’échelle mondiale.
I. Une typologie mondiale des emplois publics et de leur exposition à l’IA générative
1. Un panorama quantifié et structuré du secteur public
L’étude Roland Berger distingue quatre grands ensembles d’emplois publics dans le monde, représentant au total environ 250 millions de personnes :
- L’administration (100 millions d’emplois) ;
- L’éducation (85 millions) ;
- La santé (38 millions) ;
- La sécurité (environ 30 millions, dont 20 millions de militaires et 10 millions de policiers).
Selon les estimations du cabinet, 36 % du secteur public mondial, soit environ 125 millions d’emplois, seraient « exposés à des changements importants ». Cette exposition recouvre deux formes principales :
L’automatisation, où certaines tâches (voire l’ensemble d’un emploi) peuvent être accomplies par des systèmes d’IA sans intervention humaine ;
L’augmentation, où les agents publics demeurent acteurs, mais assistés, guidés ou partiellement remplacés par des outils d’IA dans leurs fonctions quotidiennes.
2. Une approche méthodologique fondée sur la granularité des tâches
Pour évaluer cette exposition, les auteurs adoptent une méthode issue de l’Organisation internationale du travail (OIT) : la Classification internationale type des professions (CITP). Chaque emploi est décomposé en une série de tâches, auxquelles est attribué un score d’exposition à l’IA sur une échelle de 0 à 1.
Une exposition très faible correspond à un score inférieur à 0,25 ; Faible entre 0.25 et 0,5 ; Moyenne entre 0,5 et 0,75 et élevée, au-delà de 0,75.
Le score moyen d’exposition mondiale ressort à 0,35, indiquant qu’environ un tiers de l’activité professionnelle publique pourrait être affecté à moyen terme par la généralisation des outils d’IA générative.
II. Deux vecteurs de transformation : automatisation et augmentation
1. L’automatisation : le risque de substitution technologique
L’étude estime que 7,5 % des emplois publics mondiaux (soit environ 23 millions) pourraient être totalement automatisés. Il s’agit principalement de métiers de bureau ou de soutien administratif : secrétaires, agents d’accueil et de centre d’appel, employés des services postaux, assistants de gestion ou de saisie de données.
Ces professions se caractérisent par des tâches hautement standardisées, comme l’enregistrement et la récupération d’informations, la gestion de rendez-vous, le traitement de demandes administratives ou la réponse à des appels.
La maîtrise du langage naturel par les IA génératives rend désormais possible une substitution directe de ces tâches, sans nécessité de compétences humaines spécifiques.
2. L’« augmentation » : vers de nouveaux modes de travail assistés par IA
L’impact le plus massif et le plus diffus concerne l’augmentation des métiers, c’est-à-dire la transformation des pratiques professionnelles par l’intégration d’outils d’IA sans suppression directe d’emploi.
Selon l’étude, 21,8 % des emplois publics (soit 77 millions de postes) pourraient être ainsi considérablement remodelés.
Les exemples les plus marquants concernent :
- les enseignants, dont les tâches périphériques (préparation des cours, correction, suivi administratif) pourraient être prises en charge par des IA ;
- les médecins et infirmiers, assistés dans le diagnostic, la prescription et le suivi thérapeutique ;
- les agents fiscaux ou douaniers, aidés dans la détection de fraudes ou l’analyse réglementaire ;
- les juristes et experts en réglementation, dont les fonctions analytiques seront partiellement externalisées à des modèles de traitement du langage.
Si ces mutations promettent des gains de temps et d’efficacité, elles posent aussi des questions cruciales : quelle responsabilité en cas d’erreur ? Quelle valeur ajoutée humaine reste-t-il à défendre lorsque l’expertise se déplace vers la machine ?
III. Des différences sectorielles marquées
1. Un premier ensemble en transformation profonde
Les domaines de la santé, du social, de la sécurité, de l’éducation et de l’administration en contact direct avec les citoyens sont identifiés comme les plus exposés.
Dans ces secteurs, l’étude évoque l’émergence d’« agents augmentés » : médecins, enseignants ou policiers dotés de capacités d’analyse et de décision renforcées par les systèmes d’IA.
Cependant, certaines applications soulèvent des alertes éthiques majeures. L’idée de « sécurité prédictive », par exemple, consistant à anticiper des comportements délictueux à partir de données massives, renvoie à des logiques de surveillance algorithmique potentiellement contraires aux principes démocratiques et aux libertés publiques.
2. Des secteurs relativement préservés
Les secteurs de la défense, de la culture ou des finances publiques apparaissent, dans un premier temps, moins directement affectés. L’étude évoque toutefois un impact à moyen terme :
- dans la défense, par la simulation des menaces et la guerre automatisée ;
- dans la culture, par l’essor de la création assistée ;
- dans la finance, par la rationalisation du contrôle et des audits.
3. Les secteurs à forte composante manuelle
Les activités reposant sur une présence physique incontournable — agriculture, construction, transport public, entretien, collecte des déchets — sont, selon Roland Berger, peu exposées à court terme à la seule IA générative.
Elles pourraient néanmoins évoluer à travers la robotique, les capteurs intelligents et l’analyse de données (par exemple dans la gestion des déchets ou l’agriculture de précision).
IV. Une lecture critique : entre optimisme technologique et angles morts sociaux
L’étude adopte un ton globalement bienveillant envers la transition numérique du secteur public. Elle décrit une administration plus efficace, plus réactive et mieux outillée.
Mais cette approche soulève plusieurs interrogations :
Une vision technocentrée : les auteurs accordent une confiance quasi implicite aux solutions techniques, sans toujours questionner leurs biais, leurs dépendances aux infrastructures numériques, ou leur coût énergétique.
Un optimisme sur les gains d’emploi : l’idée que les agents libérés des tâches répétitives pourront se recentrer sur des missions « à plus forte valeur ajoutée » demeure hypothétique, surtout dans les administrations soumises à des logiques de réduction budgétaire.
Une faible prise en compte des effets sociaux et politiques :
- la possible dénaturation du sens du travail public ;
- la perte de contact humain dans la relation aux citoyens ;
- la concentration du pouvoir décisionnel entre les mains de ceux qui conçoivent ou paramètrent les algorithmes.
Enfin, la formation et la culture numérique des agents apparaissent comme le véritable facteur différenciant : sans accompagnement massif, la fracture technologique risque de se superposer aux fractures sociales existantes.
V. Les recommandations de Roland Berger : entre modernisation et encadrement
L’étude conclut sur cinq axes d’action destinés à accompagner cette mutation :
- Investir dans les infrastructures et la donnée : développer des bases d’informations accessibles, fiables et interopérables, condition sine qua non de l’IA publique.
- Encourager l’innovation locale : permettre aux agents et aux services de concevoir leurs propres cas d’usage, plutôt que d’imposer des solutions descendantes.
- Former massivement : faire de la formation continue et de la montée en compétences numériques un pilier de la transformation.
- Accompagner les citoyens : informer et éduquer le grand public aux usages de l’IA pour éviter la défiance et l’exclusion numérique.
- Encadrer par le droit et l’éthique : définir un cadre de confiance, garantissant la transparence des algorithmes, la responsabilité des décisions et la protection des données.
Il est frappant de constater que ce dernier point — pourtant central dans le contexte public — n’arrive qu’en bout de chaîne, comme si la question de la gouvernance de l’IA restait subordonnée à celle de son déploiement.
Conclusion
L’étude Roland Berger offre un panorama inédit de l’exposition des emplois publics à l’intelligence artificielle générative. Son intérêt principal réside dans la quantification globale de ces impacts et la mise en évidence des disparités sectorielles.
Cependant, au-delà de l’exercice prospectif, elle illustre aussi une tendance préoccupante : la construction d’un discours de modernisation qui valorise l’efficacité technologique au détriment d’une réflexion sur le sens du service public, la valeur du lien humain et la gouvernance démocratique des algorithmes.
L’enjeu n’est donc pas seulement de savoir combien d’emplois seront transformés, mais comment et au service de quelle finalité cette transformation s’opérera.
Autrement dit, la question fondamentale demeure : quelle intelligence publique voulons-nous ? Une intelligence artificielle au service des agents et des citoyens, ou une administration elle-même automatisée, rationalisée, et, peut-être, déshumanisée ?
Un nouveau système de facturation automatique simplifie les soins de santé pour le personnel de l’UE au Luxembourg

Le personnel de l’UE au Luxembourg peut s’attendre à une réduction significative des formalités administratives liées aux soins de santé grâce à un nouvel accord administratif signé la semaine dernière entre le PMO (Office pour l’administration et le paiement des droits individuels) et la Fédération des hôpitaux luxembourgeois (FHL).
Le premier résultat tangible de cet accord est un nouveau système de facturation directe automatique pour les soins hospitaliers, qui est entré en vigueur le 1er octobre 2025, dans plusieurs grands hôpitaux, dont l’Hôpital Robert Schuman (HRS) et le Centre Hospitalier de Luxembourg (CHL). D’autres hôpitaux devraient rejoindre le système dans les mois à venir.
Allègement de la charge administrative
Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’une initiative interinstitutionnelle de haut niveau lancée en 2020 afin de renforcer l’attractivité du Luxembourg en tant que siège institutionnel de l’UE.
Concrètement, les affiliés au JSIS (Joint Sickness Insurance Scheme) bénéficiant d’une couverture primaire peuvent générer un certificat de couverture JSIS spécifique pour une hospitalisation, un accouchement ou des traitements ambulatoires importants. Sur présentation de ce certificat lors de l’admission, l’hôpital enverra les factures des services concernés directement au PMO pour paiement. Tout montant restant dû par le membre du personnel sera déduit des futurs remboursements du JSIS ou de son salaire. Dans un premier temps, le système couvre les traitements hospitaliers et certaines procédures ambulatoires coûteuses.
Action syndicale pour l’attractivité
L’introduction de la facturation directe répond à une question soulevée de longue date par les représentants du personnel. U4U plaide depuis longtemps en faveur de mesures visant à réduire les coûts élevés au Luxembourg, soulignant que les factures médicales élevées ajoutent une pression financière supplémentaire sur le personnel déjà accablé par les coûts de logement notoirement élevés dans ce pays.
Les efforts visant à rendre le lieu de travail plus attractif ont déjà porté leurs fruits avec l’introduction récente de l’allocation de logement luxembourgeoise, qui est le résultat clé des efforts interinstitutionnels. Le personnel espère désormais que la résolution des problèmes de facturation médicale améliorera encore l’attrait global du travail à la Commission à Luxembourg.
Toutefois, cette simplification des formalités administratives ne résoudra pas le problème des coûts médicaux élevés, car les prix des soins de santé au Luxembourg restent élevés ; il s’agit simplement d’une première étape cruciale.
Lettre ouverte pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes
Célébrer le 30ème anniversaire des 16 jours d’activisme et la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes

A travers cette lettre ouverte, le groupe d’adhérents USHU- U4U a souhaité saisir l’occasion de cette nouvelle édition des 16 jours d’activisme pour rendre hommage à toutes les femmes, les filles et les collègues qui, partout dans le monde et au siège, contribuent activement à promouvoir l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes.
Chers collègues de USHU/U4U,
Notre groupe souhaite saisir l’occasion de cette nouvelle édition des 16 jours d’activisme pour rendre hommage à toutes les femmes, les filles et les collègues qui, partout dans le monde et au siège, contribuent activement à promouvoir l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes.
Cette année revêt également une importance particulière puisqu’elle marque le 30ème anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, l’un des accords internationaux les plus progressistes en matière de droits des femmes à ce jour, qui a ouvert un véritable processus de changement en faveur de l’avancement de ces droits.
Bien que des progrès significatifs aient été réalisés au cours des 30 dernières années — avec des lois renforcées, des services améliorés et des stratégies de prévention plus intégrées — le monde échoue encore à éliminer la violence à l’égard des femmes, laquelle persiste à des niveaux alarmants : 1 femme sur 3 subit des violences au cours de sa vie ; 86 % des femmes et des filles vivent dans des pays ne disposant pas de protections juridiques solides contre la violence et la discrimination ; et seuls 5 % de l’aide publique au développement consacrée à la lutte contre la violence basée sur le genre sont alloués, en moyenne, aux organisations de la société civile dans les pays en développement[1]. Les stéréotypes profondément enracinés, des normes sociales néfastes, une mise en œuvre insuffisante des lois et des ressources inadéquates freinent les progrès.
Au sein de l’Union européenne, plusieurs avancées importantes ont été réalisées ces dernières années. La directive 2025/1385 constitue une étape majeure, criminalisant diverses formes de violence à l’égard des femmes, en ligne comme hors ligne, dans toute l’UE. Elle impose également aux États membres de mettre en place des mesures renforcées pour la prévention, la protection et le soutien des victimes, l’accès à la justice et la coopération interinstitutionnelle. L’adhésion de l’UE à la Convention d’Istanbul en octobre 2023 engage désormais notre organisation à respecter ses normes dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Le réseau européen de prévention de la violence fondée sur le genre, créé en 2023, constitue une plateforme essentielle pour échanger avec les États membres et les parties prenantes sur les connaissances et les bonnes pratiques. La Conférence du Réseau Synergie permet également de partager expériences et enseignements en Europe afin de bâtir des sociétés sans violence.
Une réflexion devra être menée sur la manière de créer davantage de synergies entre les initiatives de l’UE et les actions mises en œuvre dans la dimension extérieure, qui demeurent pour l’instant largement séparées.
Une piste pourrait consister à favoriser l’échange d’expériences entre les actions financées par le programme « Citoyens, égalité, droits et valeurs », qui soutient des organisations œuvrant contre la violence basée sur le genre dans l’UE, et les projets/programmes similaires financés dans les pays partenaires.
Concernant l’action extérieure de l’UE[2] pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, il convient de souligner le travail réalisé par nos collègues en délégation pour préparer et mettre à jour les Plans d’action genre et les Plans de mise en œuvre au niveau des pays (CLIPs) dans le cadre du Plan d’action genre III (GAP III). Une évaluation du GAP réalisée en 2023 confirme l’engagement de l’UE à intégrer l’égalité de genre dans son action extérieure, relève un effort financier important et décrit les progrès accomplis sur des thèmes tels que l’autonomisation économique des femmes et le rôle des femmes dans la paix et la sécurité.
Le siège pourrait faire davantage en matière de communication en présentant des données consolidées et agrégées sur l’impact de l’UE grâce à ces actions. La richesse des informations produites par le personnel de l’UE sur le terrain constitue un matériau précieux qui mérite d’être mieux utilisé pour informer le public.
Sur le plan stratégique, le Commissaire européen aux partenariats internationaux, Jozef Síkela, a annoncé en septembre 2025 à New York, lors de la 80ᵉ session de l’Assemblée générale des Nations unies, plusieurs initiatives importantes que l’UE entend soutenir[3], dont la deuxième phase du Spotlight Initiative Africa Regional Programme 2.0[4], menée avec l’ONU pour mettre fin à toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles et renforcer les organisations locales de défense des droits des femmes, conformément à l’Agenda 2063 de l’Union africaine. L’UE a joué un rôle clé dans la première phase de l’Initiative Spotlight, à laquelle elle a contribué à hauteur de plus de 550 millions d’euros, et elle en demeure le principal donateur dans la deuxième phase. L’Initiative Spotlight, en collaboration avec le Fonds d’affectation spéciale des Nations unies, a créé la plateforme SHINE[5], un espace en ligne dédié au partage de connaissances sur l’élimination des violences à l’égard des femmes.
Le programme « Advocacy, Coalition Building and Transformative Feminist Action (ACT) »[6] constitue un engagement majeur entre la Commission européenne et ONU Femmes, co-chefs de file de la Coalition d’action sur la violence fondée sur le genre lancée en 2024. Il vise à renforcer les capacités des organisations féministes et de la société civile en matière de plaidoyer mondial.
L’UE est également active depuis 2013 dans l’initiative « Call to Action » sur la protection contre les violences liées au genre en situation d’urgence[7], centrée sur la responsabilité et l’action durant les crises. En outre, le budget de l’aide humanitaire de l’UE finance des actions ciblées visant à prévenir et à répondre aux violences fondées sur le genre dans les situations de crise à travers le monde.
Enfin, l’implication de l’UE dans l’agenda « Femmes, Paix et Sécurité contre la violence basée sur le genre »[8] soutient la participation égale des femmes aux processus de paix et la protection des femmes et des filles dans les conflits.
L’ensemble de ces éléments montre que l’UE a aujourd’hui, plus que jamais, l’occasion de jouer un rôle actif tant à l’intérieur de l’Europe que sur la scène internationale. La préparation de la nouvelle stratégie interne et externe de l’UE en matière d’égalité de genre pour 2026-2030, dans la continuité de la stratégie 2020-2025, est une opportunité majeure pour renforcer les synergies entre les dimensions interne et externe de l’action de l’UE dans ce domaine.
En tant qu’organisations syndicales, nous soutenons une implication plus active des collègues des délégations et du siège, notamment dans la mise en œuvre de la « Feuille de route pour les droits des femmes »[9] adoptée en mars 2025.
La nouvelle stratégie devra être jugée non pas à l’aune de ses promesses, mais de ce qu’elle délivrera pour les femmes et les hommes, dans toute leur diversité, en Europe et dans l’action extérieure de l’UE.
Nous souhaitons rappeler les principales priorités de cette feuille de route : la lutte contre les violences fondées sur le genre, les normes les plus élevées en matière de santé, l’égalité salariale et l’autonomisation économique, l’équilibre vie professionnelle/vie privée et les soins, l’égalité des chances en matière d’emploi et des conditions de travail adéquates, une éducation inclusive et de qualité, la participation politique et la représentation égale, des mécanismes institutionnels solides en faveur des droits des femmes, et le développement du GAP IV. Ce dernier s’appuiera sur les enseignements tirés du GAP III et couvrira la période post-2027 ; ses modalités et son calendrier d’adoption sont encore en discussion avec les États membres et la société civile.
Notre groupe de membres d’USHU/U4U plaident fortement pour une inclusion complète des représentants de la société civile à chaque étape du processus. Comme l’un des piliers de ce processus est l’exemplarité, il est essentiel de prendre en compte le rôle que les organisations syndicales au sein du SEAE et de la Commission ont joué — et continueront de jouer — pour promouvoir l’intégration de la dimension de genre et une représentation équilibrée. Cela implique notamment de soutenir l’indépendance économique et sociale des catégories vulnérables et de favoriser leur inclusion dans le tissu social. Il est également important de promouvoir une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap dans les processus décisionnels, afin de créer un environnement plus inclusif.
L’intégration systématique de la dimension de genre est indispensable pour atteindre ces objectifs, mais il est également crucial de soutenir des programmes ciblés tels que Spotlight 2.0 ainsi que des actions spécifiques au niveau national, afin de mieux répondre aux besoins des communautés locales et de garantir une participation réelle des organisations de la société civile présentes sur le terrain.
Cette approche permettra d’assurer la mise en œuvre opérationnelle des différents volets et leur lien direct avec les groupes cibles.
Nous souhaitons également rappeler que la nécessité d’impliquer davantage les organisations de la société civile a été soulignée par ONU Femmes — l’entité des Nations unies chargée de promouvoir les droits des femmes — dans une enquête publiée en octobre, qui indique que les coupes budgétaires massives démantèlent les organisations œuvrant dans ce domaine. En conséquence, davantage de femmes sont exposées à la violence, les services diminuent et le plaidoyer s’affaiblit[10].
Cette approche stratégique éclaire également le thème de la campagne de cette année : « UNiTE pour mettre fin à la violence numérique à l’égard de toutes les femmes et les filles ». Les avancées technologiques rapides créent de nouveaux risques et intensifient la violence à travers le continuum en ligne/hors ligne. Les technologies numériques ont permis l’émergence de nouvelles formes de violence, telles que les abus basés sur l’image, la pornographie deepfake ou la désinformation genrée. Le cas récent en Italie, où un site diffusant des images truquées de milliers de femmes, dont la Première ministre Giorgia Meloni, a dû fermer sous la pression publique, en est une illustration[11]. Selon une note conceptuelle d’ONU Femmes préparée pour la campagne UNiTE[12], l‘expansion fulgurante de l’intelligence artificielle (IA) exacerbe la violence contre les femmes et les filles sous divers aspects, y compris la propagation intentionnelle de fausses informations ciblées qui renforcent et aggravent les normes misogynes justifiant, excusant et banalisant la violence à l’encontre des femmes et des filles. La technologie de l’IA générative a aussi contribué à la diffusion d’abus liés à des images et vidéos pornographiques deepfake, ainsi que de contenus érotiques trompeurs et non consensuels. Bien qu’il n’existe pas de données globales similaires pour saisir le caractère et l’étendue de la violence numérique contre les femmes et les filles, les informations à disposition mettent en évidence l’importance du problème.
L’adoption du Pacte numérique mondial comme premier cadre international complet sur la technologie numérique et la gouvernance de l’IA constitue un élément important.
Du côté de l’UE, la directive 2024/1385[13] vise les violences à l’égard des femmes et la violence domestique, incluant des cybercrimes tels que le partage non consensuel d’images intimes, le cyberharcèlement, le cybertraçage et l’incitation à la haine ou à la violence. U4U a lancé, via son journal GRASPE[14], plusieurs réflexions et débats sur l’IA et envisagera, en partenariat avec USHU, d’élargir ces discussions dans les mois à venir pour inclure la question de la violence numérique fondée sur le genre.
Nous souhaitons conclure en adressant à tous les collègues en délégation nos vœux les plus chaleureux pour ce 34ᵉ anniversaire des 16 jours d’activisme et en exprimant notre volonté de recueillir vos retours afin de valoriser le travail remarquable que vous accomplissez depuis des années sur ce sujet.
Merci de contribuer à faire de l’UE un acteur mondial engagé #UNiTE pour mettre fin à la violence numérique contre toutes les femmes et les filles #UNiTE pour l’Europe.
Groupe d’adhérents USHU U4U
[1] https://www.unwomen.org/fr/what-we-do/ending-violence-against-women/act
[2] https://www.eeas.europa.eu/eeas/global-hub-victims-violence-16-days-activism_en?etrans=fr
[3] At the UN General Assembly, the EU reinforces its support to global health and human rights – International Partnerships
[5] Spotlight Initiative | SHINE
[6] ACT to End Violence against Women Programme | UN Women – Headquarters
[7] Call to Action on Protection from Gender Based Violence in Emergencie
[8] Implementing the Women, Peace and Security agenda | EEAS
[9] The EU Roadmap for Women’s Rights: a renewed push for gender equality – European Commission
[10] At risk and underfunded: How funding cuts are threatening efforts to end violence against women and girls | Publications | UN Women Knowledge portal
[11] Fake images of PM Meloni and other women politicians on porn website spark outrage in Italy | Euronews
[12] unite_2025_concept_note_2-_en.pdf
[13] Cyberviolence against women: what is it and how to prevent it? | Topics | European Parliament
U4U, pour mieux vous servir !
La nouvelle année nous pousse toujours à prendre de nouvelles résolutions à mettre en pratique.
Pour 2026, U4U a pour résolution majeure d’encore mieux vous servir.
Pour cela nous disposons de ponts directs entre vous et l’équipe qui pourra le mieux vous aider. Ainsi :
- Si vous souhaitez bénéficier d’une assistance individuelle, merci d’envoyer un courriel à HR-REP-PERS-U4U-ASSISTANCE-INDIVIDUELLE@ec.europa.eu
- Si vous souhaitez obtenir des informations sur les formations ou le coaching, merci d’envoyer un courriel à training.u4u@gmail.com
- Si vous souhaitez contacter les collègues du Luxembourg, merci d’envoyer un courriel à rep-pers-osp-u4u-lu@ec.europa.eu
- Si vous souhaitez contacter les collègues du Parlement européen, merci d’envoyer un courriel à u4u@europarl.europa.eu
- Si vous souhaitez contacter les collègues du Service extérieur, merci d’envoyer un courriel à u4unity@eeas.europa.eu
- Pour toute autre question, merci d’envoyer un courriel à notre boîte fonctionnelle générale : rep-pers-osp-u4u@ec.europa.eu
Nous vous invitons à consulter fréquemment notre site Web et rejoindre notre page Facebook avec l’objectif d’avoir un accès plus facile à l’actualité du syndicat dans l’offre de formations/coachings/ateliers disponibles, les conférences/ promenades culturelles à Bruxelles ou encore les événements que nous organisons tout au long de l’année et également aux informations plus générales liées à notre Statut ainsi qu’à nos articles et réflexions sur les sujets qui nous concernent toutes et tous.
